Robert A. HEINLEIN
J'AI LU
256pp -
Critique parue en janvier 2010 dans Bifrost n° 57
C'est durant une journée de décembre 1970 que l'ingénieur Dan B. Davis s'est résigné à accepter l'évidence : il n'a plus sa place dans ce siècle. Et comme les malheurs n'arrivent jamais seul : sa fiancée est partie avec son meilleur ami, lequel est aussi son associé dans une entreprise dont le projet de robot ménager pourrait révolutionner la fin du XXe siècle. Déçu d'avoir été trahi, tant sur le plan sentimental que professionnel, Davis décide de fuir dans l'avenir avec pour seul compagnon Petronius le sage, son chat. Grâce aux nouveaux procédés de cryogénisation, il pourra émerger dans une époque où il lui suffira de recommencer une autre vie. Son seul regret est d'abandonner derrière lui la petite Ricky, âgée d'une douzaine d'années, à laquelle il est très attaché.
Après trente ans d'un sommeil sans rêve, il se réveille pour constater l'absence de son chat. Il se résigne donc à affronter ce nouveau siècle seul, en commençant par se renseigner sur ses intérêts et sur Ricky, qui devrait maintenant être une vraie femme…
Paru d'abord sous forme de feuilleton dans The Magazine of Fantasy & Science Fiction durant l'année 1956, Une porte sur l'été a fini par être publié sous forme de roman en 1957, un an après le premier prix Hugo de Robert Heinlein pour Double étoile.
Ce roman est devenu au fil des ans l'un des plus appréciés des lecteurs de science-fiction, sans doute parce qu'il s'agit avant tout d'une histoire romantique. Cependant, une certaine ambiguïté existe dans la romance entre Don B. Davis et Ricky — du moins au début —, car elle s'exerce entre une jeune fille de douze ans et un homme d'une trentaine d'années. Toute l'habileté de Robert Heinlein a été de gommer cet écart d'âge grâce aux nombreux sauts dans le temps, pour conserver un minimum de décence et de morale. La polémique viendra plus tard.
Au-delà du côté mélodramatique du roman, l'écrivain explore un peu plus le futur de l'humanité, dans un monde qu'il imagine lié à la robotique et aux ordinateurs. Or, si Robert Heinlein est connu pour ses intuitions fulgurantes, il est ici assez loin de ce que deviendra le monde en 1970 et en 2000. Il ne fait qu'entrevoir les possibilités de l'informatique alors naissante.
Finalement, Une porte sur l'été reste mémorable pour sa narration toute en sobriété, pour son fond romantique et l'imbrication millimétrée de son scénario temporel. Inutile d'y chercher des perspectives technologiques de génie, les aficionados de hard science y seront pour leur frais. Ce qui ne veut pas dire que c'est un mauvais roman, bien au contraire, puisque Robert Heinlein y fait preuve de tout son talent de raconteur d'histoires.