Déjà connue et acclamée des deux côtés de l’Atlantique pour sa série « Les Voyageurs » (quatre romans à ce jour, et récompensée du prix Hugo 2019 de la meilleure série littéraire), Becky Chambers n’est plus guère à présenter. Pour ce qui est du format court, Apprendre, si par bonheur, paru en France en 2020, n’a fait que confirmer l’incontestable talent de son autrice pour la science-fiction feel good. Sans surprise et pour notre plus grand plaisir, à peine ce dernier titre était-il couronné du prix Hugo qu’Un psaume pour les recyclés sauvages, sa suite, faisait ses premiers pas chez nous.
Comme l’indique le titre de cette nouvelle série, « Histoires de moine et de robot » repose sur le cours d’une très jolie relation entre Dex et Omphale. Le premier volet posait d’entrée un postulat en contrepoint de la très grande majorité des récits de SF : ni conflit, ni guerre, ni renversement du rapport de force entre robots et humains. Les premiers voulaient partir, les seconds avaient accepté et respecté cette décision. Des siècles plus tard, l’improbable rencontre a pourtant eu lieu et Dex, parti.e loin de tout en quête de réponses, n’a trouvé qu’Omphale et sa question : de quoi les humains ont-ils besoin ? Décidé.e à l’accompagner dans sa propre quête à défaut de trouver une conclusion à la sienne, iel s’en retourne donc en territoire familier avec son nouveau compagnon de route. Dex s’en rend bien compte et avertit d’abord le robot : il n’est pas si simple de répondre à cette question. Aussi ce second volet se livre en douceur à la réflexion qui en découle, enrichie au gré des rencontres ou des discussions des deux protagonistes.
Difficile de ne pas sourire à l’échec sans cesse renouvelé, page après page, du réflexe qui consiste en SF à attendre la catastrophe au tournant d’une rue, derrière une porte ou sous les traits d’un nouveau personnage. Chez Becky Chambers, elle n’arrive jamais et ça fait du bien. Cette certitude d’une sérénité perpétuelle apaise l’âme d’un lecteur cerné par une anxiété réelle ou largement dépeinte dans les imaginaires. Certes, cela pourra paraître déborder de bons sentiments, et pour certains ce ne sera pas le moment. Mais accordons à l’autrice qu’à défaut de brosser un univers réaliste, il apparaît au moins réalisable, à portée de main. À défaut de concrétisation, puisque le monde est monde, elle nous offre, a minima, un lieu salutaire, sécurisant et réconfortant, au sein duquel le lecteur est invité, s’il le souhaite, à se recueillir en lui-même en compagnie des deux amis : il est fait place aux grands doutes comme aux petits bonheurs, aux réponses partielles comme aux réponses absentes. Et en cela elle réalise l’un des plus nobles objectifs de la littérature : faire du bien.