Gabrielle ZEVIN
ALBIN MICHEL JEUNESSE
320pp - 14,00 €
Critique parue en janvier 2006 dans Bifrost n° 41
Y a-t-il quelque chose de plus stupide que mourir dans un accident de vélo à quinze ans ? C'est ce que se demande Liz Hall lorsqu'un bateau étrange l'emmène loin des siens, jusqu'à un territoire qui ressemble à la Terre mais que l'on nomme Ailleurs. Fi du Paradis, de l'Enfer, de tous leurs avatars ! Quand on meurt, on doit « vivre » sa mort à l'envers, sur Ailleurs ! Quel est le sens de tout ça ? Et pourquoi accepter un sort aussi ridicule ?
Pas simple d'évoquer la mort, l'au-delà, le grand saut, voire le grand rien. Qu'y a-t-il après ? Telle est la question existentielle posée par Gabrielle Zevin dans ce roman véritablement étonnant. En choisissant un personnage d'adolescente, l'auteur expose la mort comme une grande injustice. De quel droit peut-on mourir aussi jeune, sans avoir rien vécu de la vie, la vraie ? Le personnage de Liz nous paraît d'ailleurs au départ comme fondamentalement égoïste, agaçante, une adolescente, quoi. On compatit, mais après tout, pourquoi pas elle ? Attention, terrain glissant !
Mais l'auteur a construit son « après-vie » avec talent. Ailleurs est un monde identique au nôtre, où chacun doit trouver sa place, où chacun doit apprendre à exister, supporter son propre destin. De plus, l'avenir est forcément souriant puisque la fin de la mort signifie un retour sur Terre, réincarné en quelqu'un d'autre (ah, la voilà la touche religieuse lorgnant du côté karmique !). Que d'optimisme !
Voici un roman en forme d'hymne à la vie qui redonne le sourire. Au fil des pages, on apprend à ne plus avoir peur de ce que pourrait être la mort. Et même si on doute de ce futur inexorable, on est bien tenté d'adhérer à la vision de Gabrielle Zevin : la vie et la mort sont liées et forment un cercle infini. Quelque part, nous ne disparaissons jamais. N'est-ce pas encourageant, comme vision du futur ?