Le futur est indéterminé mais quelques éléments disséminés ici et là nous indiquent qu’il se situe à quelques siècles de nous. En bas, Down Below, la Terre a morflé. Les océans sont des lacs d’hydrocarbures, le ciel est couvert du Brown, une brume épaisse qui cache le soleil et brûle les poumons. En bas, c’est une cour des miracles qui rêve de monter là-haut ou de tout faire péter. Là-haut, Up Above, c’est à 50 km au-dessus. Là se sont réfugiés les nantis sur des îlots artificiels au doux nom de Treblinka, Guernica ou Hiroshima. La vie y est longue et la maladie un souvenir. Des IA gèrent et quelques flottants, ceux d’en bas qui ont gagné un CDD en haut, participent à l’extrême utopie d’une élite isolée du reste du monde. On s’occupe à produire films et séries destinés à gaver les cerveaux d’en bas pour qu’ils ne s’échauffent pas à rêver de liberté et d’égalité. On clone des icones du passé : ici, les gens s’appellent Bill Gates, Elisabeth Taylor, Maggie Cheung, ou Che Guevara. Mais vous le savez, il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark. Maggie, l’actrice d’en haut, veut descendre trouver un sens à la vie ; Ferris, le musicien d’en bas, veut monter donner un sens au monde. Upside Down est un récit de révolte politique contre l’injustice, contre l’oppression, contre la mort. L’univers est dystopique mais le message se veut optimiste, empli du souffle de la vie.
À l’évidence, Richard Canal a pris plaisir à écrire Upside Down, en témoignent quelques envolées de plume. L’auteur aime le jazz, Maggie Cheung et le cinéma hongkongais, les symphonies de Malher lorsqu’elles sont jouées par le philarmonique de Vienne, et le polar des années 50. Mais Upside Down marche sur la tête. C’est un roman de science-fiction tourné vers le passé. Les très nombreuses références culturelles qui peuplent le roman n’appartiennent qu’au xxe siècle. Le temps s’est figé dans l’imaginaire de l’auteur, n’autorisant aucune évolution de la culture ou des mœurs. Les aspects science-fictifs ne sont qu’un décor, esquissant une scène où y mener l’action. L’auteur imagine des keinos, des animaux intelligents, mais loin de proposer une élévation à la David Brin ou Adrian Tchaikovsky, il leur donne un cerveau humain dans un corps animal pour reproduire les clichés du polar : Stany, le Saint-Hubert, est détective alcoolique et cynique. L’auteur imagine des IA qui, malgré leur étrangeté, ne servent que d’ultime deus ex machina. C’est un roman choral dans lequel les personnages n’ont pas d’existence tangible en dehors des scènes qui leur sont attribuées dans le moment du récit. Leur seule raison d’être est de servir le propos de l’auteur, et leurs motivations propres restent obscures. C’est un roman de révolte qui fait l’impasse sur le monde d’en bas, ne s’intéressant vraiment qu’au monde bourgeois d’en haut, plus simple à décrire, plus spectaculaire dans ses travers. Le polar séduira certainement plus d’un lecteur, moins le roman de science-fiction.