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Les critiques de Bifrost

Utopie radicale - Par-delà l'imaginaire des cabanes et des ruines

Utopie radicale - Par-delà l'imaginaire des cabanes et des ruines

Alice CARABEDIAN
SEUIL
17,00 €

Bifrost n° 107

Critique parue en juillet 2022 dans Bifrost n° 107

Au vu des crises qui agitent notre monde, en particulier la crise climatique, l’utopie est plus que jamais nécessaire. Dans notre précédente livraison, nous évoquions Archéologies du futur de Fredric Jameson, ouvrage aussi passionnant qu’excessivement touffu (du moins pour le commun des mortels), qui questionnait la place de ce non-lieu autant que bon-lieu au sein de notre monde. Cette même question, Alice Carabédian – autrice, notamment, d’une thèse en philosophie consacrée à l’utopie au sein du cycle de la « Culture » de Iain M. Banks – la prend également à bras le corps dans un essai bien plus bref et plus accessible. Sous-titré « Par-delà l’imaginaire des cabanes et des ruines », Utopie radicale cherche à trouver une autre voie pour l’invention de Thomas More. D’un côté résident les ruines : la dystopie, ma­nière de fascinant repoussoir, souvent trop proche du réel. De l’autre, les cabanes : des utopies concrètes, réalistes, réalisables, un brin trop domptées, et toujours cachées dans les marges du monde. Une autre manière d’aborder l’utopie est-elle possible ?

« Tout ce qui est possible a d’abord été impossible » annonce d’emblée cet essai. Et si bon nombre des crises actuelles étaient au­paravant jugées impossibles, la réalité s’est chargée de prouver le contraire. Pas question pour autant, nous dit l’autrice, de céder au fatalisme. Instrument d’exploration des pos­sibles, la SF permet aussi de tester d’autres modalités en matière de respect, d’égalité, de responsabilité – des « lignes de fuite », comme l’écrivait Yannick Rumpala dans son essai Hors des décombres du monde (cf. Bifrost n° 92). Et l’autrice de mentionner Iain M. Banks, Becky Chambers ou encore Star Trek: Discovery, autant d’imaginaires fé­conds, afin de réfléchir à « une troisième voie qui serait autre que celle des alternatives ou des possibles : celle des impossibles, excès s’il en est ». Une utopie radicale, donc, qui se soucie moins de sa réalisation que de sa volonté de faire bouger les lignes. « Pour penser des possibles, il faut d’abord penser les impossibles. »

Vivifiant, Utopie radicale laisse espérer que tout n’est pas encore fichu. Du moins, si on s’y met, avec la SF comme flambeau. Ce qui tombe bien : en Bifrosty, la SF, c’est notre truc.

Erwann PERCHOC

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