Mertvecgorod, nouveau départ. Après Images de la fin du monde (cf. Bifrost 99) et Feminicid (cf. Bifrost 105) formant les « Chroniques de Mertvecgorod », Christophe Siébert nous traîne à nouveau dans l’atmosphère viciée de sa métropole uchronique post-soviétique. Après nous avoir éclairé sur les affres des pouvoirs dans les deux ouvrages pré-cités, il entame avec ce Valentina un nouveau cycle qui lorgnera plus volontiers du côté du « petit bout de la lorgnette, [du] point de vue de la rue, de ceux qui subissent les choses au lieu d’en être maîtres », et qui porte le doux nom de « Un demi-siècle de merde » — reprenant ainsi un titre déjà éprouvé par l’auteur dans le fanzinat.
Le demi-siècle en question sera le XXIe, Valentina se déroulant sur quinze jours en janvier 2000. On y suit une troupe de cinq adolescents vivant dans le quartier de « Mertvec-Bereg », à la frontière de la Zona, au sud du rajon 5 – le lectorat des précédents ouvrages appréciera. Le quintet est présenté au début de volume à l’aide de courtes fiches biographiques précédées d’illustration de la plasticienne et tatoueuse Clo Porte – qui existe vraiment. On reste dans le ton.
Car pour qui ne le saurait pas déjà, chez Siébert ça tache pas mal, ça gifle, ça gicle, ça violente. Entre défonce, rapine et musique à s’en péter les tympans, la troupe vivote, grandit, survit dans les bas-fonds de la métropole. Voici le Skins ou le Euphoria de la jeunesse de Mertvecgorod. Une fois bien posé le cadre, un nouveau personnage entre en scène : Valentina. Sa trajectoire va bouleverser celle de Klara, la protagoniste du livre.
Le format est plus classique formellement parlant, puisqu’il s’agit d’un roman à la progression donc plus linéaire que les travaux précédents. Parfois, entre deux chapitres, surgissent des interludes nerveuses, fragmentées, sortes de saillies poétiques violentes et hallucinées… jusqu’à ce que leur sens ne laisse plus de place au doute. Les chapitres sont gorgés de chansons, répertoriées en fin d’ouvrage, et la musique occupe une place centrale.
Roman initiatique à la sauce Siébert, Valentina désarçonne un peu mais c’est un nouveau cycle qui s’ouvre. On peut le lire indépendamment, mais on ratera alors quelques références. C’est presque doux (!), comparé à la fureur des « Chroniques… », mais la lecture n’en reste pas moins éprouvante. Mertvecgorod demeure un cauchemar, une horreur dont on craint de reconnaître certains contours.