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Les critiques de Bifrost

Vampire Junction

Vampire Junction

Thomas DAY, S.P. SOMTOW
FOLIO
608pp - 12,40 €

Bifrost n° 45

Critique parue en janvier 2007 dans Bifrost n° 45

Coté S-F, Folio a sorti la version définitive de Mallword. Puis « Lunes d'encre » l'édition intégrale des Chroniques de l'inquisition. C'est maintenant au tour de l'œuvre fantastique de Somtow de quitter le purgatoire éditorial. Folio « SF » réédite Vampire junction aux côtés d'un très bon cru de fantastique : Brite, Bradbury et Piccirilli (cf. critique plus haut dans le présent Bifrost). Vu la disette éditoriale du fantastique en général, et en poche en particulier, on ne s'en plaindra évidemment pas.

Vampire junction est le premier tome d'une volumineuse trilogie, Timmy Valentine.

Timmy est un vampire. Ses premiers souvenirs datent de la Rome antique, aux côtés d'une sibylle dont il fut l'un des jeunes eunuques. S'il ne meurt pas, il ne vieillit pas non plus. Il a donc toujours 12 ans, et une voix de castrat. Cette particularité lui a rendu de grands services, puisque, après avoir été chanteur classique au lendemain de la Seconde guerre mondiale, il est devenu une immense pop star dans les années 80. Autant de siècles de souvenirs, où Auschwitz croise le terrible Gilles de Rais (que l'auteur rend plus proche des clichés de Huysmans que du remarquable essai de Georges Bataille : Le Procès de Gilles de Rais). C'est donc dans le but de mettre un peu d'ordre dans tout ça que Timmy entreprend une psychanalyse. Une psychanalyse jungienne, tant qu'à faire, puisqu'elle semble plus susceptible de convenir à un archétype comme le vampire qu'il est.

Sauf que bien sûr, sa psychanalyste est divorcée, et que — cerise sur le gâteau — son ex est le plus jeune des Dieux du chaos. Qui sont-ils ? Une bande de vieux sybarites qui ont, dans leur jeunesse, croisé la route de Timmy. Que cherchent-ils vraiment ? Bien malin qui pourrait le dire, à la fin des 500 premières pages. Il faut même attendre les 80 dernières (sur 600 !) pour que l'auteur nous torche vraiment le dénouement du livre en deux parties : 40 pages pour joindre les intrigues, et 40 autres pour bâcler une fin à la va-vite, tout en se ménageant une porte de sortie pour le tome suivant. Vampire junction est une réussite majeure sur au moins une chose : comment faire un pavé avec une intrigue de novella ? De ce point de vue, il n'y a rien à redire : le livre est une grande réussite. La seconde réussite du roman est le coup d'esbroufe psychanalytique. Outre un personnage de psychanalyste bien inconsistant, essentiellement ravalé au rôle de témoin et de confident, c'est finalement la psychanalyse elle-même qui est la grande absente du livre. À part quelques lieux communs sur les archétypes, inutile d'avoir l'espoir d'en apprendre davantage sur l'inconscient collectif jungien. Dommage, car la psychanalyse reste pourtant un terreau potentiellement riche pour l'imaginaire, comme on a pu le voir avec des auteurs comme Ballard.

« Vampire Junction est le premier volet d'une trilogie mêlant rock et vampires, meurtre abominables et déviances sexuelles », nous affirme la quatrième de couverture. Je me sens donc à la fois soulagé et inquiet d'avoir réussi à lire le premier tome. Soulagé, parce qu'il ne m'en reste plus que deux sur les trois à lire. Angoissé, aussi, en me disant qu'il m'en reste encore deux… L'indécrottable pessimiste que je suis ne peut qu'espérer un léger mieux, car après tout, ça pourrait difficilement être pire.

Mauvaise pioche, donc, pour ce titre. Mais gardons tout de même le sourire : entre Brite et Piccirilli, l'amateur de fantastique trouvera son bonheur dans la dernière livraison de Folio « SF ». Croisons donc les doigts pour que les prochaines rééditions soient mieux inspirées : on trouve en effet de nombreuses perles dans la défunte collection « Présence du fantastique »…

Olivier PEZIGOT

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