C’est l’évidence : au sein de l’ensemble du bestiaire fantastique à la mode ces dernières années, les zombies et les vampires figurent en tête de liste. Connaissant l’appétence de Jeanne-A. Debats pour ces derniers (Métaphysique du vampire, critique de Xavier Mau-méjean dans notre n°68), c’est sans surprise qu’on les retrouve en sujet de cette anthologie dirigée pour le compte des éditions Mnémos, volume anniversaire des dix ans du festival de l’imaginaire de Sèvres riche de onze auteurs et autant de nouvelles.
Si la thématique du vampire peut s’avérer glissante par ce qu’elle véhicule comme clichés, les différents auteurs ont ici su les détourner et se les approprier pour éviter de paraître redondants, ou trop classiques. Sans doute est-ce là le point commun de toutes ces nouvelles : la volonté de faire original dans le cadre d’un bornage thématique éculé, le tout avec des auteurs, plus ou moins capés, n’ayant encore jamais touché à la figure imposée. Le résultat, lui, s’avère satisfaisant dans l’ensemble. Certaines nouvelles peuvent malgré tout laisser le lecteur sur leur faim : ainsi « Pire que le vent » en ouverture du recueil, signée Philippe Curval, déçoit tant l’ambiance inquiétante distillée dès les premières pages retombe rapidement. D’autres sont plus poétiques, à l’image du récit d’Ugo Bellagamba, « Icare hermétique », narrant non sans sensibilité le calvaire d’un condamné sur Mercure. Science-fiction et fantastique sont ici de mise, avec notamment « La Cure », d’Olivier Gechter, qui prend pour cadre un vaisseau spatial de colonisation. Bien que légère et convenablement écrite, cette histoire se révèle elle aussi quelque peu décevante du fait d’une fin trop facile. Ce qui est loin d’être le cas de « Quelques Moments dans la vie d’un homme d’affaires », de Christian Léourier, pertinente plongée dans l’univers de la finance et du business (qui vampirise qui ?) servie par une poignée de références à même de faire sourire le lecteur, même fatigué des longues canines. Impossible, aussi, de ne pas mentionner la nouvelle de Timo-thée Rey, « S’il te plait, désenzyme-moi un inMouton », dont la particularité principale, outre que le narrateur soit une intelligence artificielle, réside dans un choix narratif pour le moins osé : en alexandrins, et dans son intégralité ! Le style et l’univers ne manquent pas d’intérêt, de même que sa mise en œuvre, malgré des notes de bas de pages agaçantes car trop présentes.
Comme annoncé, donc, Vampires à contre-emploi prend bel et bien son thème central à rebrousse-poil, tout en y intégrant une touche d’humour, de poésie, de tragique et même, oui, de sensualité (on pense à « Femme Fatale », de Marianne Leconte, racontant les chasses nocturnes d’une femme et de sa moto). Et si l’ensemble pêche par l’absence d’un texte ou deux à même de mettre tout le monde d’accord, demeure une anthologie qui, malgré quelques accrocs, n’en mérite pas moins un peu plus qu’un coup d’œil.