Pour qui anime pendant quinze ans < vampirisme.com >, publier tôt ou tard une monographie vouée au sujet est quasiment une évidence. Vu le nombre d’essais consacrés aux vampires, l’ouvrage n’a pas l’ambition d’apporter du sang neuf, mais plutôt celle d’être exhaustif, de montrer le métissage entre les œuvres et le fait que la créature est un miroir du réel, des angoisses de son époque (SIDA, changements de mœurs, etc.) et de ses tabous. Sur ce plan, la tâche est accomplie avec brio. Après avoir posé les bases (mythologie, folklore, Histoire, et la trinité Polidori/Le Fanu/ Stoker), Adrien Party (parfois assisté par des rédacteurs invités) va méticuleusement décliner l’utilisation du vampire sur tous les supports imaginables (littérature ultérieure, cinéma, séries TV, etc.), et selon divers angles (transgression, subversion, etc.), sur un modèle quasi-constant (article introductif, puis liste de dix incontournables, puis interview d’un acteur/expert éminent du domaine concerné), à quelques exceptions près. L’ensemble est bien organisé (quoique de façon assez scolaire), et permet de ne lire que ce qui intéresse le plus l’amateur (une lecture linéaire des 736 pages laissant par contre assez vite l’honnête homme exsangue, pendant négatif de l’exhaustivité du livre). En parallèle, au fil des différents textes, est tiré un bilan de l’évolution de la thématique vampirique, notamment de l’état de monstre bestial antagoniste vivant retiré du monde, vers celui de co-protagoniste tourmenté entre ses natures vampirique et humaine, intégré à la société urbaine et moderne, ainsi qu’à une vraie communauté vampirique. Les jalons les plus capitaux (Anne Rice, Buffy, Twilight, Vampire — La Mascarade, etc.) sont aussi détaillés, et la raison de leur importance disséquée.
L’ouvrage est fort recommandable pour l’amateur de vampires (d’autant qu’il ne cherche pas à vous sucer le sang financièrement parlant), à quelques bémols près : la présentation génère des redites (entre l’article et les dix incontournables, surtout, mais aussi d’une partie à l’autre, particulièrement avec les rédacteurs invités, mais pas que), et ce pavé aurait de fait pu être vampirisé de plusieurs centaines de pages ; elle a aussi pour défaut de noyer l’examen des évolutions dans la masse, et, à notre sens, c’est ce dernier qui aurait dû servir de fil rouge, pas le media d’expression (livre, ciné, etc.). Par ailleurs, l’ouvrage s’étend sur certains points accessoires, mais s’avère mutique sur d’autres : Élisabeth Báthory et son importance sont mentionnées à d’innombrables reprises en quelques mots, mais il faut attendre quasiment la fin du livre pour avoir une vague explication quant à la seconde… Enfin, ultime pinaillage : on aurait apprécié davantage de neutralité dans le propos, certains termes idéologiquement orientés étant acceptables dans un article de blog, moins dans une monographie.