Robert Charles WILSON
DENOËL
341pp - 20,00 €
Critique parue en janvier 2013 dans Bifrost n° 69
Dans les précédents volumes, Spin et Axis, les Hypothétiques, extraterrestres dont on ne sait rien, avaient connecté la Terre et Mars à un vaste réseau de planètes accessibles à partir des Arcs. Ils les ont aussi propulsées quatre milliards d’années dans le futur, alors que le Soleil mourant a commencé à entrer en expansion, plaçant par mesure de protection un bouclier filtrant ses radiations. Comment, pourquoi ? Ce qu’on a appelé le spin n’a pas trouvé de réponse.
Après avoir pillé les ressources naturelles, notamment pétrolières, du monde voisin, ce qui acheva de détruire la Terre incapable de supporter la pollution provoquée par les énergies fossiles de deux mondes, les Humains se sont établis sur Equatoria.
Le troisième (et dernier) volet développe deux intrigues parallèles, appartenant à des temps différents. La première se déroule trente ans avant les évènements d’Axis, qui virent Turk Findley et Isaac Dvali enlevés par les Hypothétiques : Sandra Cole, médecin au centre d’évaluation psychiatrique du State Scare de Houston, qui reçoit des mineurs et vagabonds désorientés suite aux événements, est intriguée par le jeune Orrin Mather, probablement parce que l’agent Bose lui voue un intérêt particulier. Il lui confie, pour avis, les premiers feuillets des carnets que le jeune homme aurait rédigés, bien qu’il n’ait pas le niveau intellectuel requis pour s’exprimer de la sorte. Il s’agit des récits croisés de Turk Findley et de Treya/ Allison, censés se dérouler dans un lointain futur, lesquels forment le second pan du récit.
Turk Findley et Isaac Dvali, en effet, sont réapparus dix mille ans après leur disparition dans le désert d’Equatoria et récupérés par Vox, un incroyable monde flottant qui les considère comme des demi-dieux pour avoir approché les Hypothétiques. Vox est une démocratie limbique, où tous les citoyens, reliés par une interface réseau au niveau de la colonne vertébrale, se fondent en une seule conscience appelée le Coryphée, par définition moins agressive et plus humaniste puisque l’intérêt commun est celui de tous. Une utopie pour le moins discutable au vu de l’attitude de la communauté envers certains représentants. Le but de Vox est de rejoindre l’Antarctique où les Hypothétiques se trouveraient, persuadé que leur destin est de lier connaissance avec eux. Tandis qu’Isaac, affreusement mutilé, est reconstruit par la technologie de Vox, Treya, la jeune femme envoyée pour apprivoiser Turk, en retrouvant accidentellement sa personnalité d’Allison Pearl, entre en dissidence.
Sandra Cole, qui apparente ce récit à de la science-fiction, écartée de son patient par ses supérieurs, tente avec Bose de déterminer la raison de cet intérêt pour Orrin : à l’intrigue première se greffe une trame policière qui achève de relier les multiples entrées de ce foisonnant roman.
Les trajectoires de Sandra et Bose, de Turk et Allison se font écho, de même que l’enquête remontant à l’origine d’un trafic se superpose avec l’expédition à la rencontre des Hypothétiques. Les réponses aux questions posées, loin de fermer le roman, lui donnent une envergure encore plus grande, en s’interrogeant aussi bien sur l’avenir proche de l’humanité que sur sa destinée lointaine, ses mutations futures, sur des échelles de temps gigantesques, et ce sans jamais se départir de son humanité ni perdre de vue ses personnages. Du grand art, vraiment ! Et la conclusion à la hauteur d’un triptyque Spin/ Axis/Vortex incontournable.