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Les critiques de Bifrost

Voyage sous les flots

Voyage sous les flots

Aristide ROGER, Philippe ETHUIN
PUBLIE.NET
168pp -

Bifrost n° 98

Critique parue en mai 2020 dans Bifrost n° 98

Tout le monde aujourd’hui connaît le Nautilus, le fabuleux sous-marin du capitaine Nemo… mais qui se souvient encore de son immédiat prédécesseur, l’Éclair ? Personne ou presque. Imaginé par Jules-Aristide-Roger Rengade, alias Aristide Roger, cet Éclair est l’un des premiers submersibles de fiction. Raisons pour lesquelles on n’est guère surpris de voir Philippe Éthuin et la collection « Archéosf » tirer Voyage sous les flots de l’oubli dans lequel il avait sombré depuis près de cent cinquante ans. Paru en feuilleton dans les pages du Petit Journal entre le printemps 1867 et janvier 1868, le roman d’Aristide Roger est de fait antérieur au fameux Vingt mille lieues sous les mers de Jules Verne, dont la parution commence en mars 1869.

Lorsque le professeur Trinitus apprend le naufrage du Richmond, navire sur lequel naviguait son épouse et sa fille, il décide de mettre à contribution l’invention sur laquelle il travaillait dans le plus grand secret depuis des mois : le sous-marin L’Éclair. Ovoïde long d’une quarantaine de mètres, le submersible est mû à l’électricité et permet d’embarquer trois passagers. Ce seront donc Trinitus, son ami Nicaise et le neveu de celui-ci, Marcel, qui nourrit pour la fille du professeur une tendre affection. Depuis Calais jusqu’à la mer de Corail où le paquebot a disparu, ce sera une aventure de tous les instants – entre tempêtes et embourbement dans la mer des Sargasses, entre le feu des volcans des Açores et les glaces du pôle Sud, les trois hommes auront fort à faire pour atteindre le but… et le lecteur pour tâcher d’oublier l’ombre écrasante de Jules Verne. De fait, Voyage sous les flots a pour lui sa brièveté et son caractère précurseur – quelques scènes préfigurent Vingt mille lieues… et Roger apprécie lui aussi les descriptions auxquelles le vocabulaire spécifique donne un lyrisme scientifique. Mené tambour battant, le récit se dévore d’une traite. L’âge du roman aidant, on lui pardonnera ses approximations – des erreurs n’empêchant pas un émerveillement enfantin et aquatique – et une fin ayant passablement mal vieillie. Les amateurs de vieilleries sauront apprécier cette odyssée sous-marine ; les autres resteront à bord du Nautilus, ce qui n’est pas forcément un mal.

Erwann PERCHOC

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