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Les critiques de Bifrost

Zona cero

Zona cero

Gilberto VILLARROEL
AUX FORGES DE VULCAIN
448pp - 22,00 €

Bifrost n° 115

Critique parue en juillet 2024 dans Bifrost n° 115

Une fois n’est pas coutume, Gilberto Villarroel apparaît dans ces colonnes pour un roman non issu de son cycle en cours des aventures de Lord Cochrane (cf. Bifrost n° 99, 102, 108). Après Les Vagabonds de Richard Lange (cf. Bifrost 114) en début d’année, c’est à son tour de nous proposer son histoire de vampires. Là où Lange s’attachait à présenter les marges de la société nord-américaine, c’est en plein cœur de la capitale chilienne que nous transporte ce roman.

Dans Zona Cero, un tremblement de terre frappe Santiago du Chili et ses alentours. Le personnage principal, Gabriel Martinez  — descendant d’un marin ayant navigué aux côtés d’un certain Cochrane — est alors hors de la ville et va tout faire pour y pénétrer et retrouver Sabine, sa femme, localisée au moment de la catastrophe à l’avant-dernier étage du Valhalla, la plus haute tour d’Amérique du Sud. Pour couronner le tout, Sabine lui a annoncé être enceinte, juste avant que le réseau téléphonique ne saute. S’ensuit une course contre la montre, dans laquelle Gabriel ne sera pas au bout de ses surprises. Il croisera la route de militaires US spécialisés dans les Black Ops, de mineurs en grève de la faim et d’un prêtre transportant de nombreux secrets — uniquement des hommes.

Poussant loin le curseur de la série B, l’action est incessante et ça pétarade fort. L’ennemi est aussi vorace que coriace, mais sans se limiter à une assemblée de suceurs de sang bêtes et méchants. Plus les révélations s’additionnent, plus s’éclaircit cette « histoire secrète » que propose l’auteur, où les complots font office de murs porteurs.

Reprenant une vieille tradition — explicitement depuis au moins Karl Marx —, le vampire est ici une métaphore du capitalisme. La caricature suprême d’un pays encore déchiré par les séquelles de la dictature. Les fantômes des opérations Condor ne sont jamais loin, et la colère face à l’ingérence étasunienne se fait ressentir au fil des pages. Ses vampires sont également proches des zombies contemporains, revenant ainsi à l’origine folklorique du mythe.

Zona Cero est aussi, avec sa carte indiquant les lieux importants de l’histoire, une plongée passionnée dans Santiago, les informations ou anecdotes historiques ou géographiques ne manquant pas. Gilberto Villarroel a écrit ce livre comme un cri du cœur pour son pays et pour cette ville qui l’a vue naître.

Pouvant se lire comme un pur divertissement, ou bien, en suivant l’intention de l’auteur, comme une dénonciation de l’état actuel du Chili, Zona Cero constitue une lecture au rythme effréné, efficace s’agissant de l’action et de l’horreur, dont on regrettera toutefois le traitement des (rares) personnages féminins.

Mathieu MASSON

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