Patrice BLOUIN
L'ARBALETE
128pp - 14,90 €
Critique parue en juillet 2014 dans Bifrost n° 75
Tout commence aux Etats-Unis lors du printemps 1999. D’étranges témoignages rapportent l’existence d’un homme crocodile. Des enfants disparaissent, la peur s’empare des Américains et une chasse à l’Homo-gator est lancée qui se terminera par un bain de sang entre lynchage et dévoration. Il reste peu de ce mutant qui s’avèrera être le fils de Jed Bush, le gouverneur de Floride… et le premier cas d’une série sans fin de mutations atteignant l’humanité entière.
En 2001, alors qu’Al Gore accède au pouvoir, le monde s’organise doucement et bientôt sont créés des « zoos : cliniques » à même de recueillir ces mutants, officiellement pour les aider, mais officieusement pour les éloigner de la population. Les cas de transformations spontanées (et non contagieuses) se multiplient. Quel impact tout cela pourra-t-il avoir sur l’économie mondiale, sur la diplomatie ou, tout simplement, sur les relations humaines ?
Zoo : clinique est un tout petit livre de 122 pages très aérées qui se lit en un rien de temps. Ce qui ne l’empêche pas d’être plus dense que certains gros romans étirant au possible un même sujet plutôt creux. Ici, les idées fusent dans tous les sens, et ce qui aurait bien pu être une simple uchronie paresseuse tournant autour d’une mystérieuse épidémie de mutations devient vite une réflexion bien sentie sur le fragile équilibre de notre société contemporaine. Certes, Patrice Blouin aurait pu exploiter plus en profondeur les nombreuses pistes qu’il ouvre pour nous. Il a cependant choisi de laisser faire notre imagination et nous livre à la place les clés d’un monde nouveau, différent et pourtant toujours semblable à lui-même. A nous de donner du sens à tout cela.
Maintenant, n’exagérons rien. Si l’auteur a su lancer diverses idées et constamment remuer un récit qui aurait pu vite devenir monotone, il oublie d’exploiter (volontairement ?) différentes problématiques de base juste effleurées — la panique, la manipulation par les médias, ou encore les réactions des proches des mutants. Mais c’est peut-être justement ce refus d’aller dans les sentiers déjà battus pour partir ailleurs qui rend Zoo : clinique si intéressant. Et si ce court roman n’est pas exempt de quelques facilités et autres raccourcis, il n’en reste pas moins diablement pertinent et parfois même surprenant.
C’est pourquoi nous ne pouvons que vous conseiller de découvrir cet étrange ovni littéraire qui semble toujours à la limite du familier mais qui s’amuse à ne pas aller là où on l’attend. Une très bonne surprise que ce Zoo : clinique, donc.