Une tétralogie comporte toujours ses moments creux, comme un coup de fatigue qui saisit brutalement le marathonien. Dans le meilleur des cas, le coureur gère la douleur, repart et termine la course. C’est exactement la sensation que l’on éprouve à la lecture de ce très bon troisième volume des aventures uchroniques de notre antihéros préféré, le nazi Friedrich Saxhäuser. La transition entre l’action frénétique des deux premiers tomes et la préparation du final que sera le quatrième est sensible, mais également bienvenue : loin de répéter des motifs précédents, la série se met ici en place pour gagner encore en intensité.
Stéphane Przybylski connaît la distance et parvient à s’appuyer sur les indéniables qualités de son écriture pour garder le rythme, voire l’accélérer au moment où on s’y attend le moins. Il conserve son dispositif narratif, utilisant judicieusement des sauts en arrière et des sauts en avant se promenant le long de l’existence de ses personnages, comme pour nous rappeler que leurs actes ont des origines et auront des conséquences.
En effet, les deux premiers volumes se concentraient principalement sur les aventures de Saxhäuser, depuis sa découverte d’artefacts extraterrestres dans le désert irakien en juin 1939 et les conséquences de cette terrible rencontre avec une civilisation venue d’ailleurs, suivant en parallèle la progression de la guerre en Europe. Le troisième tome étend sensiblement le champ de la narration, alors que le conflit est en passe de devenir mondial. Des personnages que l’on avait croisés, alors au second plan, prennent de plus en plus d’importance, nous découvrons de nouveaux enjeux, de nouvelles complications et, bien sûr, de nouvelles trahisons. Nous n’y parlons plus seulement de l’avenir de la civilisation, mais de celui de l’humanité.
La question qui reste en suspens est celle de la nature même du texte. Sommes-nous devant une uchronie, c’est-à-dire que l’histoire a dévié par rapport à la nôtre pour devenir quelque chose de différent ? Ou bien est-ce de l’histoire secrète, où l’on nous raconte ce qu’aucun manuel scolaire n’enseigne ? La réponse sera forcément dans le quatrième volume, qui est attendu avec impatience à la lumière du cliffhanger audacieux sur lequel se termine Club Uranium.
Ésotérisme nazi, complot gouvernemental à la X-Files, roman de guerre, roman d’espionnage, Indiana Jones et terre creuse, Stéphane Przybylski a le talent de mêler tout cela pour construire ce qui risque d’être le coup d’éclat qui met en orbite un auteur sur lequel nous devrons compter dans les années à venir.
Pour le moment, il est impossible de le dévorer sans se demander où il nous mènera. La grande force du livre tient dans une évidence, celle de la lecture future de sa suite parce qu’elle sera, si la promesse est tenue, épatante.