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Les critiques de Bifrost

Daemone

Daemone

Thomas DAY
LE BÉLIAL'
224pp - 15,00 €

Bifrost n° 64

Critique parue en octobre 2011 dans Bifrost n° 64

David Rosenberg, célèbre gladiateur de l’Aire Humaine, n’éprouve plus aucun goût pour la vie depuis que Susan, son épouse, repose dans un caisson d’animation suspendue dans un coma définitif. C’est probablement ce qui lui permet de vaincre. Mais voilà que Lhargo, un Alèphe issu de la plus ancienne des civilisations, aux pouvoirs incommensurables, parmi lesquels la maîtrise du temps, et observateur des mœurs humaines, lui propose un contrat, à savoir le transférer dans un univers alternatif où sa bien-aimée est vivante et en bonne santé, en échange de cinq meurtres, uniquement de personnes qui ne méritent pas de vivre au vu de leur passif. Aidé de Kimoko, une femme plus tout à fait humaine, uberkriegerisch taillée pour le combat, séduisant garde du corps qui l’aime en vain, et de l’homme-chat Gilrein, mercenaire doublé d’un as de la technique, il exécute un à un ses contrats, pas toujours de la façon prévue. Les tentatives pour approcher la victime comme le détail des événements réservent quelques belles surprises.

L’ensemble est enlevé, bien rythmé, avec les doses d’adrénaline attendues mais aussi une dimension psychologique qui place le récit sur un plan plus ambitieux : les victimes, malgré les horreurs commises, méritaient-elles vraiment la mort, au point de leur retirer la possibilité de se racheter ? Peut-on fonder l’amour, aussi sincère et profond soit-il, sur le meurtre ? Qui sera cette autre Susan d’un univers parallèle et devra-t-elle savoir ce qu’il a fait pour elle ? La fin fournit la conclusion appropriée, en revenant également sur les motivations de l’Alèphe à l’origine du contrat.

Les Cinq derniers contrats de Daemone Eraser, paru en 2001 (même éditeur), a été entièrement réécrit pour la circonstance, approfondissant plus particulièrement les personnages tout en gardant leur côté « brut de décoffrage » propre aux héros d’aventures. Si le récit ne change guère sur le fond, il est à présent enchâssé de façon plus visible dans l’univers des Sept berceaux que Thomas Day a entre-temps développé au fil de nouvelles — il était à peine mentionné dans la première édition. La fin abandonne également, l’auteur seul sait pourquoi, la mise en page soulignant la poursuite du récit dans deux trames différentes, détail intéressant puisqu’il s’achève cette fois sur une fin unique, réduisant les possibles au choix, forcément douloureux et contraignant, quel qu’il soit, signe de la maturité et de l’évolution du personnage.

L’ensemble est bien rythmé, mené sur un rythme soutenu, et contient un certain nombre de références à des auteurs de SF (Silverberg, Zelazny), le tout dans l’esprit des films à la Sam Pekinpah et La Horde sauvage, de l’aveu même de l’auteur dans la longue interview qui fait suite au récit. Son but assumé est de faire plaisir et de se faire plaisir en retrouvant l’excitation un peu naïve qui accompagnait les westerns galactiques de jadis. Pari réussi, voire davantage, car Daemone est quand même un cran au-dessus d’un space op’ sans prétention.

Claude ECKEN

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