Qualifié par quelques personnes mal intentionnées de « Miracle sur pattes », Francis Berthelot est un auteur trop rare pour passer à côté. La publication d'un recueil de nouvelles au Bélial' relevant définitivement de l'événement, le lecteur curieux peut se précipiter sans risque, tant les huit nouvelles qui composent le livre sont de celles qui réconcilient avec l'existence. Poétiques, délirantes, tragiques ou violentes, les nouvelles de Berthelot sont le fruit d'un travail d'orfèvre, d'un ciseleur de mots dont la qualité littéraire et le très haut niveau laissent pantois.
S'il est évidemment hors de propos de résumer ici les nouvelles de Forêts secrètes, il est néanmoins utile de s'attarder sur « Le Serpent à collerette », superbe texte d'une violence sourde, consacré à l'horreur de la reconstruction familiale et aux viols (figurés ou non) qu'elle engendre. La nouvelle gratte là où ça fait mal, mais tout en retenue, pudeur et compassion.
Plus loin, changement radical de style avec « La Nouvelle Alice », délirante et improbable rencontre entre une impertinente Alice (de retour de l'autre côté du miroir) et du vieillissant (mais encore très libidineux) Marquis de Sade. Absurde, légère et drôle, « La Nouvelle Alice » fait oublier la tristesse tragique de « Mérélune », autre tour de force qui nous rappelle que l'Océan est un grand mangeur de vie et que les fantasmes sont parfois douloureux.
Pour enfants, pour adultes, pour tout le monde, Forêts secrètes fait partie de ces recueils à classer au rayon des chefs-d'œuvre. Tout simplement. Achetez-le avant qu'on l'interdise.