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Les critiques de Bifrost

Histoires de cochons et de science-fiction

Histoires de cochons et de science-fiction

Sylvie DENIS, Eugene BYRNE, Hervé HAUCK, Ian LEE, Serge LEHMAN, Brian STABLEFORD, Thomas DAY, Roland C. WAGNER, Esther M. FRIESNER, Michelle CHARRIER
LE BÉLIAL'
204pp - 12,04 €

Bifrost n° 13

Critique parue en avril 1999 dans Bifrost n° 13

À quand remonte la dernière anthologie thématique à avoir vu les presses en cette bonne terre de France ? À la Guerre de Cent Ans ? Au Déluge ? Il se pourrait cependant bien que ce fût à L'Assassin habite au XXIe siècle de Pierre K. Rey chez Londreys... en 86. Aussi ces histoires de cochons font-elles figure de petit événement.

Des histoires de cochons se devraient d'être drôles ; on s'attend plus ou moins à une anthologie en forme de boutade mais, si l'humour n'est pas totalement absent, on est à cent lieues de la franche rigolade Le ton, plutôt sombre, illustre une époque hantée par la crise économique et son corollaire, la technophobie, très sensible dans le texte de lan Lee. Après les astronefs, les voyages dans le temps, les ordinateurs, etc, les cochons sont-ils en passe de devenir le nouveau grand thème de la S-F ? Ça ne semble pas à craindre. « Que peut bien vouloir Chloé ? » de Brian Stableford (Galaxies n°6), le meilleur texte sur le sujet, étant indisponible, on aurait pu se demander si cela restait pertinent de réunir une anthologie de S-F porcine. Ce à quoi répond « oui » la longue novella de Roland C. Wagner « Honoré a disparu », véritable morceau d'anthologie — c'est le cas de le dire — tout à fait jubilatoire. Mais passons à la revue de détail.

 Thomas Day met en scène le porc le moins anthropomorphique – mais non le moins altéré – dans « Le Goût du feu », un texte qui vaut davantage par le tableau qui y est brossé de l'actuelle Roumanie que pour ses arguments science-fictifs, lesquels n'apparaissent que dans la seconde moitié de la nouvelle.

Dans le texte limite « Limite » de Ian Lee, texte introspectif s'il en est, littéraire, psychanalytique par les réminiscences qu'il met en jeu, les truies servent de mères porteuses. Texte bien sombre où il est manifeste que cet usage inédit de la gent porcine ne constitue en rien un progrès aux yeux de l'auteur.

Dans les cinq autres nouvelles, les cochons parlent et perdent donc leur statut animalier.

Esther M. Friesner nous livre une sorte de rhapsodie sur Alice au pays des merveilles où un cochon, comme dans toute fantasy qui se respecte, se métamorphose en homme...

Brian Stableford s'est, lui, fendu d'une variation sur le joueur de flûte de Hamelin où un cochon plombier biotechnicien s'en vient sur la lune jouer des phéromones pour débarrasser les artères du corps commun de l'humanité des rats qui l'infestent. Un petit quelque chose de Demain les chiens, version Super Mario s'entend.

Le traitement islamique du cochon devait bien incomber à quelqu'un. C'est Serge Lehman qui s'y est collé. Et voilà comment le Prophète est tombé dans la cité souterraine des cochons... Peut mieux faire.

Eugène Byrne signe l'un des meilleurs textes de l'antho où, à travers un cochon cyborg de foire à fric né d'une BD. Il stigmatise les travers de notre société avec laquelle il n'est pas tendre. Un humour pour le moins grinçant.

Roland C. Wagner a compacté toute la richesse de son univers personnel dans cette novella si charmante qu'on peut la raconter aux enfants (même si les fermiers peuvent s'y prénommer Psylocybe). Babe version Wagner, c'est l'intrusion de Cette crédille qui nous ronge dans Les Futurs mystères de Paris : rockloub et rapbeur des petites gamines et une I.A. qui leur fait la fée, le vivisecteur dans le rôle du grand méchant et une bonne louche de rock'n'roll... Et voilà une véritable histoire !

Pour conclure, cinq pages jubilatoires de titres de romans et/ou de films détournés en cochons avec une maîtrise consommée du mauvais goût. Genre : Foetus par truie ou bien encore Le Règne du goret...

Les textes de E. Byrne et surtout Roland C. Wagner valent largement le détour et sont les plus longs. Cette anthologie qu'on attendait plus drôle n'est pas d'une lecture indispensable mais d'un niveau très honorable.

Jean-Pierre LION

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