[Critique commune à L'Empereur de l'espace et À la rescousse.]
Plus de soixante-quinze ans après sa création, presque quarante ans après son adaptation en anime, il est enfin possible de lire en français dans le texte les aventures du capitaine Flam Futur, du moins pour l’instant les deux premières d’entre elles. Il était temps, on a failli s’impatienter…
Si son adaptation japonaise a marqué toute une génération de téléspectateurs, le capitaine Flam Futur a connu une vie éditoriale somme toute assez brève, de 1940 à 1946, avant de faire une courte réapparition au tout début des années 50, le temps de quelques nouvelles. Néanmoins, durant cette période, ce sont pas moins de vingt romans qui paraîtront, dans son propre magazine puis dans les pages de Startling Stories, la plupart écrits par Edmond Hamilton.
En France, on ne mesure sans doute pas assez l’importance de cet auteur, dont seule une petite partie de l’œuvre a été traduite, et notamment le rôle crucial qu’il a joué dans le développement du space opera aux États-Unis. On pourra s’en faire une petite idée en observant son évolution depuis Hors de l’Univers (1929), roman frénétique frôlant l’hystérie et empilant des scènes d’action de plus en plus spectaculaires, jusqu’aux Rois des Étoiles (1949), qui s’amuse de tous ces stéréotypes qu’il a participé à mettre en place, et enfin et surtout Les Loups des Étoiles (1967-68), œuvre majeure qui participe à la réinvention du genre, quarante ans après sa naissance.
Les premières aventures du capitaine Flam Futur sont plutôt à ranger dans la première catégorie, à la fois dans la manière dont les péripéties s’enchaînent, dans l’absence de second degré dans le traitement des personnages et dans l’écriture. Edmond Hamilton ne recule devant aucun superlatif lorsqu’il s’agit de décrire son héros, « l’aventurier légendaire aux poings véloces, au sourire ravageur et au savoir illimité » (À la Rescousse, p. 205). Le personnage apparaît comme le produit d’une autre époque, ne serait-ce que par ses origines : orphelin dès son plus jeune âge, après le meurtre de ses parents, il est élevé sur la Lune par ceux qui deviendraient plus tard ses assistants : le robot Grag, l’androïde Otho, et le professeur Simon Wright, un scientifique dont seul le cerveau subsiste, maintenu en vie dans un cube translucide. De nos jours, l’idée qu’un environnement à ce point déshumanisé ait pu donner naissance au plus grand défenseur de l’humanité laisse pour le moins perplexe… On retrouve chez Hamilton comme chez nombre de ses contemporains une foi en la science qui, de fait, constitue l’un des enjeux principaux de ces récits. Car les premiers ennemis du capitaine Flam Futur, ce sont les « criminels qui [désirent] utiliser les bienfaits de la science à de tristes fins (…) qui voudraient pervertir la science pour nourrir leurs sinistres ambitions. » (L’Empereur de l’espace, p.33). Dans ces premières aventures, l’un se fait appeler l’Empereur de l’espace et utilise une technologie inconnue pour faire régresser ses adversaires à un stade primitif de l’évolution? ; l’autre se nomme le Docteur Zarro et demande qu’on lui confie les pleins pouvoirs afin d’empêcher qu’une étoile noire ne détruise le système solaire. Découvrir la véritable identité de ces individus constitue un autre enjeu, plus anecdotique, de ces histoires, qui pour l’occasion empruntent au roman de détection certaines de ses techniques.
On sourit beaucoup à la lecture des aventures du capitaine Flam Futur. D’abord parce qu’Edmond Hamilton propose régulièrement quelques séquences humoristiques, notamment lors des sempiternelles bisbilles opposant Grag à Otho, puis dès le second tome lorsqu’il introduit Ik, le chiot de lune, bestiole ayant la fâcheuse habitude de boulotter tout métal qui lui passe à portée de canines. Mais c’est surtout par sa candeur, sa sincérité jusqu’à l’excès, sa succession de dangers plus mortels les uns que les autres dont nos héros échappent systématiquement indemnes, que ces romans distillent au fil des pages une bonne humeur assez irrésistible. On aura dû attendre soixante-quinze ans, mais ça valait le coup.