Huit mois tout juste après le tome inaugural, le cycle « Noon du soleil noir » revient déjà avec un nouveau roman, La Première ou dernière. Et la fin de l’ouvrage nous apprend qu’un troisième, Le Désert des cieux, est en projet. Ce tome 2 peut éventuellement se lire de façon indépendante, bien qu’il soit plus logique, pour avoir une meilleure idée des personnages et de l’univers, d’avoir lu Noon du soleil noir d’abord. Avant de parler de l’intrigue, précisons que si l’influence romaine, mêlée à celle (principalement) de Fritz Leiber, était visible dans ce dernier livre, elle l’est encore plus dans ce nouvel opus, même si elle se décale de Rome à Constantinople. En effet, on retrouve l’énorme importance sociale, et même politique, des courses de chevaux caractéristique de l’histoire byzantine, jusque dans les noms des « factions » (des « clubs de supporters ») ou des nobles familles de la cité de la Toge noire (on pensera aussi à « La Mosaïque sarantine», de Guy Gavriel Kay). Et la guerre civile qui menace est un reflet, bien que de causes légèrement différentes, de la Sédition Nika dans l’Histoire réelle. N’allez toutefois pas croire que l’influence de Fritz Leiber ou celle d’autres grands écrivains d’Imaginaire s’efface : l’œil averti captera des références à Issek, Ningauble ou à un avatar de Nyarlathotep…
Revenons-en à l’intrigue : Noon, Yors et leur servante Meg assistent à la grande course, au cours de laquelle le cheval quasi-mythique du cavalier le plus emblématique de la cité disparaît ni plus ni moins de la piste, happé par magie… ailleurs. Provoquant ainsi la victoire de l’équipe de la faction jusqu’ici minoritaire. Ce qui serait déjà ennuyeux si la mort subite, probablement due à une malédiction, dudit célèbre cavalier, n’empêchait l’Inversion, la passation de pouvoir entre factions, menaçant de faire éclater une guerre civile. Le tout sur fond de mariage princier, l’héritière de la dynastie régnante devant épouser un prince Mingol (peuple leiberien emblématique). Noon mènera l’enquête, tout en devant composer avec un sorcier mort, le maître-mage du palais, une intrigue politique sordide, un assassin, un artefact indicible, et deux royaux personnages qui n’en font qu’à leur tête !
Si ce deuxième volume n’est en rien moins bon que son excellent prédécesseur, il laisse toutefois une impression différente, celle d’être plus « posé », de davantage prendre son temps, sans doute du fait qu’il est un tiers plus long. Les auteurs ont ainsi de la place pour développer leur intrigue mais aussi leur cité (en profitant pour combler quelques vides, dont la nature de la Chose au plafond), se démarquant de Leiber sans le renier. On en découvre davantage sur la puissance réelle de Noon (de même que sur sa dimension sanguinaire, voire impitoyable), et Yors, narrateur omniscient peu avare en adresses au lecteur, n’en devient que plus sympathique. Nicolas Fructus, qui avait déjà placé la barre très haut, fait encore mieux (l’ouvrage, de toute beauté, s’avère abondamment illustré, au point qu’on s’interroge sur la faisabilité d’autant d’images – rien moins qu’une trentaine – en si peu de temps !), et les Kloetzer démontrent une fois encore ici leur talent de conteur remarquable. La Première ou dernière s’avère de fait une réussite, qu’on ne manquera pas de recommander chaudement !