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Les critiques de Bifrost

Le Choix

Paul J. MCAULEY
LE BÉLIAL'
96pp - 7,90 €

Critique parue en avril 2016 dans Bifrost n° 82

Cela faisait bien longtemps que le nom de Paul J. McAuley n’était apparu sur le titre d’un livre publié par chez nous (la dernière fois, c’était pour La Guerre tranquille, premier tome d’une série que Bragelonne avait arrêtée, faute de ventes suffisantes). C’est donc avec plaisir qu’on retrouve l’auteur britannique, même s’il ne s’agit ici « que » d’une novella, sise dans la toute nouvelle collection « Une heure-lumière » du Bélial’, texte au passage couronné par le prix Sturgeon 2012.

La Terre est la proie d’une importante montée des eaux ayant totalement remodelé le paysage, doublée d’une élévation des températures. Lucas, qui vit seul avec sa mère, ancienne écologiste radicale désormais gravement malade, subsiste de petits boulots lui rapportant à peine de quoi éviter que sa microcellule familiale ne sombre totalement. Damien, son meilleur ami, a pour sa part hérité d’un père plus fortuné (il est éleveur de crevettes), mais violent. Les deux adolescents habitent un Norfolk plus ou moins sous les eaux, et guettent toute nouveauté à même d’apporter un peu d’aventure dans leur quotidien. Aussi, quand ils apprennent qu’un dragon – un artefact extraterrestre – s’est échoué à proximité, ils décident de se rendre sur place…

McAuley n’a besoin que de quelques pages en ouverture de son récit pour nous présenter de manière crédible ce futur, où la Terre a été bouleversée tour à tour par la catastrophe écologique et l’arrivée des extraterrestres. Les deux événements ont une grande importance, mais force est de constater qu’au quotidien, les préoccupations de Lucas sont davantage tournées vers ses problèmes de subsistance dans un monde devenu pour partie hostile que vers les rapports que la Terre entretient avec les aliens. Néanmoins, l’irruption de ce dragon va lui rappeler qu’au-delà des contingences matérielles, l’inconnu exercera toujours son pouvoir de fascination, d’autant plus que la présence alien a généré la propagation d’un certain nombre de légendes urbaines. Outre cet émerveillement, qui sait si le dragon n’est pas aussi le présage, dans l’existence des deux amis, d’un changement souhaité de tous les instants ? Lucas et Damian incarnent ainsi un Tom Sawyer et un Huckleberry Finn des temps modernes, heureux de partir à l’aventure pour oublier leur routine morose. Mais leur rencontre avec l’artefact ne se déroulera pas comme prévu, ramenant les adolescents à des considérations moins insouciantes, et fera office de déclencheur du passage à l’âge adulte. Dit passage déterminé à travers un certain nombre de choix, sans savoir si ces derniers nous emmèneront sur le bon chemin ou, au contraire, sur une voie sans issue. McAuley, dont on connaît l’attachement à la nature humaine, brosse ainsi avec une grande finesse, et sans jamais verser dans le pathos, le portrait d’hommes et de femmes piégés entre leur quotidien affligeant et des rêves de changement inaccessibles. Œuvre intelligente et subtile, Le Choix réussit l’exploit de proposer en quatre-vingt pages une très belle et complexe histoire humaine, tout en abordant quelques thématiques de SF classique, comme la catastrophe écologique (après tout, Paul J. McAuley est britannique) et le premier contact extraterrestre. Un très beau texte.

Bruno PARA

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