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Les critiques de Bifrost

Le Soleil des Phaulnes

Le Soleil des Phaulnes

Thierry DI ROLLO
LE BÉLIAL'
304pp - 14,90 €

Bifrost n° 106

Critique parue en avril 2022 dans Bifrost n° 106

Sur Gobo, les Phaulnes ont bâti au fil des siècles une civilisation utopique. Ayant depuis longtemps rejeté le confort facile mais illusoire qu’offrent la technologie ou la religion, ils mènent une vie simple, en harmonie avec la nature, sa faune et sa flore. C’est ce monde qui a vu grandir la jeune Griddine. C’est ce monde qu’elle va voir disparaître.

La Garmak, la compagnie la plus puissante de l’univers, puise sa richesse dans l’exploitation des étoiles dont elle pompe jusqu’à la dernière parcelle d’énergie. Et Titéo, le soleil de Gobo, est la suivante sur sa liste. Les Phaulnes n’ont d’autre choix que de quitter la planète à bord des vaisseaux affrétés par la Garmak et de refaire leur vie tant bien que mal ailleurs, sans savoir ce qui les y attend. Un destin auquel Griddine ne se résigne pas.

À travers le parcours de son héroïne, Thierry Di Rollo met en scène un univers sans foi ni loi hormis celle du plus fort, une constante dans l’œuvre de l’auteur. La dénonciation à travers le portrait de la Garmak et de son fondateur et dirigeant, Ien éliki, d’un capitalisme forcené et omnipotent, n’a sans doute rien d’original, mais le romancier en démonte intelligemment les rouages, montre comment chacun de ses maillons interchangeables n’a d’autre choix que de se soumettre pour espérer ne pas être écrasé, et de mettre sa conscience en berne afin de ne pas voir à quelles monstruosités il contribue.

Toutefois, depuis Drift en 2014, on note une certaine inflexion chez Di Rollo. Non pas qu’il ait mis de l’eau dans son vin, mais on voit poindre dans ses livres une certaine beauté au milieu d’un océan de noirceur. Dans Le Soleil des Phaulnes, c’est même vers elle que tend tout le roman. À la soif de vengeance qui animait ses héros autrefois, l’auteur a substitué d’autres motivations : un désir de justice, aussi dérisoire soit-elle, et chevillé au corps l’espoir de parvenir à s’extraire de l’horreur ambiante pour atteindre une certaine forme de bonheur. Oserait-on parler de happy-end pour ce roman ? Oui, à condition de ne surtout pas oublier dans quel contexte et au terme de quel périple il intervient. C’est dire si le bonheur est une chose fragile, incertaine, et ainsi d’autant plus précieuse. Tout comme ce roman.

Philippe BOULIER

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