Dans ce lointain futur, des consortiums privés régissant les transports spatiaux ont colonisé le système solaire. Malgré la chaleur et l’atmosphère acide, l’humanité prospère sur Vénus à bord de villes flottantes positionnées à une idéale distance de la surface. Plusieurs milliers d’entre elles appartiennent au même empire industriel de Nordwald-Gruenbaum, fruit de l’association de deux familles qui avaient trouvé dans le mariage le moyen d’empêcher une concurrence néfaste à leurs intérêts. C’est la raison pour laquelle l’actuel descendant, encore adolescent, Carlos Fernando Delacroix Ortega de la Jolla y Nordwald-Gruenbaum, ne jouira de son héritage que s’il se marie, perspective qui suscite les convoitises des autres familles.
Répondant à une invitation de sa part, Léa Hamakawa, belle et froide écologiste de retour d’une mission sur Mars, et David Tinkerman, le technicien et pilote secrètement amoureux d’elle qui l’accompagne, ignorent tout de ces obligations, de même qu’ils méconnaissent les us et coutumes de cette société qui s’est développée à l’écart du reste du système solaire. Personne ne s’empresse non plus de les en informer, pas plus que Carlos ne daigne expliquer à Léa pourquoi il s’intéresse à la terraformation, inenvisageable sur le sol vénusien. C’est du reste la principale question qui intéresse les cités libres, peu désireuses de tomber sous la domination de la puissante famille.
Les dômes et les minarets donnent à la ville une coloration orientale, mais ce qui fascine surtout sont les aspects de cette société aérienne. Il est évident que Geoffrey A. Landis, spécialiste à la NASA de l’exploration de Mars et Vénus, et des technologies qui lui sont liées, notamment dans le photovoltaïque, a soigné les détails de son univers. On assiste ainsi à une sortie en kayak qui se déplace au milieu des nuages comme un surf sur les vagues.
En comparaison, l’intrigue a un côté naïf et désuet, qui rappelle les récits de Jack Vance pour la présentation de cultures exotiques, ou les intrigues de Poul Anderson menées au pas de charge. Le ton alerte et l’absence de temps mort détournent d’ailleurs l’attention de quelques problèmes de crédibilité, comme l’absence de guerres, impensables en raison de la fragilité de l’habitat, alors même que des intrigues de palais et des projets hors normes les justifieraient. Il est également difficile de croire que les visiteurs soient à ce point ignorants et indifférents de la société vénusienne (c’est par ennui, lors du voyage, que David entreprend de lire une histoire de la colonisation de la planète) et que personne ne les informe de ce à quoi ils s’engagent en raison de cette méconnaissance des usages. Cette petite réserve n’impacte nullement l’ouvrage, par ailleurs lauréat du prix Sturgeon 2011, mais fait simplement regretter que la brillance et l’originalité des idées n’ait pas été davantage développé.
Est-il besoin d’encore signaler que les couvertures d’Aurélien Police sont de toute beauté ? Non, mais il convient de signaler qu’elles contribuent grandement à l’identité de la collection « Une heure-lumière ».