Deuxième volet de la trilogie de « La Maison des Jeux », Le Voleur nous emporte dans la Thaïlande de 1938. Après Thene, la joueuse du Serpent (cf. Bifrost n° 106), c’est au tour d’un certain Remy Burke, anglo-français « bon joueur, quoique sans éclat », d’être au centre de l’histoire. Provoqué par un adversaire aussi retors qu’ambitieux, il se retrouve embarqué dans une partie de cache-cache restreinte aux frontières du pays. Une fois qu’il aura été trouvé et touché par son adversaire, les rôles s’inverseront. Les enjeux sont énormes pour Remy, qui a misé une partie essentielle de lui-même. Le compte à rebours est lancé.
Alors que le Serpent se concentrait dans les canaux et ruelles de Venise, le gros du Voleur prend place dans la jungle, car Remy doit fuir, se cacher, toujours avancer, ses ennemis sans cesse sur ses talons. La tension du héros, en véritable bête traquée, est admirablement rendue. L’ambiance est paranoïaque à souhait car, en raison de son allure même, Remy Burke ne peut guère passer inaperçu dans les campagnes thaïlandaises. D’autant que son adversaire semble doté d’une main bien plus avantageuse que la sienne ; n’importe qui peut en un claquement de langue trahir la position du pauvre Remy auprès d’un atout jouant pour l’autre camp. Les dés seraient-ils pipés ? Pourquoi les arbitres de la Maison des Jeux ne sont-ils pas intervenus ? Quels sont les intérêts en jeu ? Remy, au-delà de sa fuite éperdue, devra trouver des réponses…
Dans un premier temps, les réflexions, délicieuses, sur le concept de jeu qui parsemaient Le Serpent, se font rares, laissant place à des pensées sur la prière ou la rédemption. Mais le plaisir du jeu est trop fort, et à mesure des pérégrinations du héros traqué, les narrateurs, qui nous convient à leur table, régalent à nouveau le lecteur en détaillant les vertus tentaculaires du jeu.
À mesure que l’histoire avance, rendant visibles de nouveaux segments de cette énigmatique Maison des Jeux, des pans entiers de mystère se déploient, interrogeant les limites – pour peu qu’il y en ait – de cette organisation secrète défiant le temps et l’espace.
Quarante-quatre chapitres pour le premier tome, quarante-trois pour celui-ci. Le troisième, Le Maître (qui paraîtra en janvier 2023), en comportera-t-il quarante-deux, nombre emblématique s’il en est ? Ce n’est là qu’une question anecdotique parmi toutes celles qui attendent le lecteur.
Voilà une lecture fort réjouissante, et qui prépare un final que l’on espère aussi délectable.