Jack VANCE
LE BÉLIAL'
232pp - 17,00 €
Critique parue en juillet 2016 dans Bifrost n° 83
Après « Une heure-lumière », voici « Pulps », la nouvelle collection du Bélial’. Une invitation à l’aventure, à de la science-fiction sur grand écran et, surtout, à la distraction sans se prendre au sérieux, voilà comment l’éditeur qualifie ce nouveau label en début d’ouvrage – et quoi de mieux pour commencer qu’un texte inédit (en français).
Les Vandales du vide de Jack Vance, paru en 1953, raconte les pérégrinations de Dick Murdock, jeune Vénusien quittant sa planète natale pour rejoindre son père astronome en chef de l’observatoire lunaire. En chemin, il apprend que des navettes ralliant Mars et Vénus à la Terre ont mystérieusement disparu. L’une d’elle est retrouvée déchiquetée dans un cimetière galactique ; le bruit court qu’un certain Basilic serait à l’origine de cette attaque. Dick, à peine arrivé sur la Lune, va enquêter sur ce mystérieux individu, et découvrir que le satellite terrien n’est pas seulement un observatoire des étoiles, mais aussi un lieu cachant bien d’autres secrets…
La courte préface qui ouvre le roman est assez amusante ; contrairement à Jean Giono qui affirmait qu’aucun homme n’irait sur la Lune et que ce n’était pas souhaitable, Jack Vance clame dès 1950 que « le voyage spatial, c’est demain », et énonce quelques suppositions : l’homme ira sur la lune vers 1965 (bien vu) ; des vaisseaux atteindront Mars en 1968 ; les colonies martiennes et lunaires seront pour 1980… Si aujourd’hui cela prête à sourire, il reste que l’esprit de découverte des auteurs de science-fiction de ces années-là est toujours un plaisir de lecture, au même titre que les explications scientifiques qui jalonnent le roman, Vance s’attardant régulièrement sur des détails (techniques) non dénués d’intérêts et qui nous permettent de garder l’esprit ancré dans ce divertissement imaginaire et science-fictif que sont les romans de l’âge d’or de la SF.
Du haut de notre XXIe siècle, il est certaines choses que l’on regarde avec tendresse en lisant Vance, Asimov, Dick et bien d’autres auteurs de cette époque. Tous imaginaient, anticipaient certaines technologies à venir, sans manquer de passer à côté de certaines autres. Ainsi, dans Les Vandales du vide, on vit sur Mars et Vénus, mais le héros doit quand même développer (en chambre noire) les photos prises sur la Lune – détail touchant, qui, mélangé à tout ce développement technologique et scientifique, nous ferait presque remonter le temps et nous plonger dans la peau d’un lecteur des années 50 découvrant avec émerveillement des romans de « voyage ».
Les Vandales du vide se lit comme un polar, une enquête menée par Dick Murdock qui n’est pas sans évoquer la recherche holmesienne d’un mystérieux coupable, exercice que Vance maîtrise déjà suffisamment pour crédibiliser les agissements de son héros et éviter d’agacer le lecteur – qu’y a-t-il de plus énervant qu’un ado sûr de lui et prétentieux ? Si la fin du roman peut sembler légèrement bâclée (un peu rapide dans son dénouement), l’ensemble, des plus honnête, n’a finalement pas d’autre but que de nous divertir. Une bonne trouvaille, en somme, que ces Vandales du vide : à l’heure où la techno va très (trop) vite, ralentir un peu, se replonger dans des romans venus d’un passé pas si lointain qui nous disent l’avenir s’avère riche de vertus roboratives. Bref, une nouvelle collection bienvenue et qui commence avec du fun, comme annoncé. On n’en demandait pas davantage.