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Les critiques de Bifrost

Noon du soleil noir

Noon du soleil noir

L. L. KLOETZER
LE BÉLIAL'
288pp - 19,90 €

Bifrost n° 108

Critique parue en octobre 2022 dans Bifrost n° 108

On savait Laurent Kloetzer fan de Fritz Leiber depuis Le Royaume blessé, qui y faisait référence (avec Tolkien et Howard) sous la forme d’un personnage portant son second prénom, Reuter. Il revient ici sous son incarnation bicéphale de L.L. Kloetzer – le se­cond « L » pour Laure, son épouse –, dans un récit initié sous forme de nou­velle, mais étendu aux dimensions d’un roman à la demande de leurs filles auxquelles est dédié le présent livre. Sauf que cette fois-ci, la référence est évi­dente, puisque les auteurs ont décidé de situer leur histoire ni plus ni moins que dans le monde du « Cycle des Épées » ! On y trouve ainsi Ilthmar, le Pays Qui Coule, et quantité d’autres références. Lankhmar, la cité mythique de Nehwon, n’est pas citée nommément, mais c’est pourtant bien elle qui sert de cadre au récit, sous son surnom de Cité des Toges noires. Pas de Fafhrd ni de Souricier Gris non plus, mais certaines figures de voleuse ou de rat ne seraient pas totalement étrangères aux récits de l’auteur américain. Les lecteurs qui ne connaîtraient pas Leiber n’ont toutefois pas de quoi s’inquiéter : si le monde est bien celui de Nehwon, si les clins d’œil sont réguliers, cette histoire se veut totalement indépendante.

Yors gagne tant bien que mal sa vie en proposant ses services aux visiteurs de la cité. C’est ainsi qu’il devient l’acolyte de Noon, qui fait commerce de sorcellerie. Un jeune homme doté d’une conception assez spéciale de son métier : ainsi ne fait-il pas nécessairement payer ses interventions, au grand dam de Yors. Quand un jeune noble venu d’une lointaine région est agressé et tué, notre sorcier prend les choses en main, sentant quelque magie à l’œuvre dans l’ombre…

Le duo bâti par les Kloetzer fonctionne à merveille dans le registre du contrepoint : l’excitation perpétuelle de Yors répondant à la calme sobriété de Noon. Leurs relations mi-conflictuelles mi-complices sont alternativement explosives et fécondes – soutenues par un humour omniprésent pimenté par Meg, une servante qui s’avère vite dotée d’un solide caractère. Un duo comique est né, de ceux qu’on aime à suivre au gré de diverses aventures, ce qui est d’ores et déjà prévu puisqu’une suite est annoncée. L’histoire, quant à elle, est relativement classique mais bien menée, assemblant différents éléments sans rapport les uns avec les autres, avant que tout prenne sens dans la deuxième partie du récit. La structure de nouvelle étendue aux dimensions d’un roman se fait du reste légèrement sentir, certains chapitres semblant peu en rapport avec le reste (mais néanmoins bienvenus dans la construction de l’univers et des protagonistes). La langue, elle, est précise, sait se faire tour à tour raffinée et familière, au gré des dialogues de tel ou tel personnage.

Noon du Soleil noir opère ainsi un retour aux sources de l’enchantement de la plus belle fantasy, celle qui propose un dépaysement intelligent, alliant style et légèreté, et rehaussée de très évoca­trices illustrations signées Nicolas Fructus.

On attendra le deuxième tome avec impa­tience.

Bruno PARA

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