La Liste des souffrances autorisées
(2011)
« ET IL Y AVAIT CETTE BONNE femme, avec cet accent de la Citadelle… »
Monsk pose sa fourchette dans le bazar qui encombre son assiette :
« Tu vois ce que je veux dire ? Elle parlait comme ça : “Est-ce que quelqu’un peut vraiment jurer qu’il est possible d’élever un enfant sans jamais ressentir de pulsion sadique ? Je suis sa mère, quand même ! Je ne suis pas censée lui faire croire que le monde est sympa, n’est-ce pas ? Quand il arrive avec un de ces foutus dessins qu’il fait à l’école, je suis vraiment obligée de faire semblant que c’est beau ? Pour qu’il croie qu’il suffit de chier sur une feuille pour me faire plaisir ? Je veux dire, je suis sa mère ! C’est mon boulot, de l’élever ! Et cet imbécile m’aime ! Et pourquoi ? Parce que ça lui vient comme ça ? D’instinct ? Et je suis censée lui apprendre à se fier à ses instincts ? Et à déborder d’amour pour n’importe qui ? Et à le manifester n’importe comment ? Je suis censée l’expédier dans la vraie vie avec cette mentalité de… cette sensiblerie de… de perdant ? J’en ai fait des confettis, de son dessin ! Parce que ça m’a fait plaisir, et parce que ça lui apprend la vie !” »
Monsk éclate de rire et reprend ses couverts :
« C’est excellent. Excellent. Qu’est-ce que c’est, au fait ? »
Extrait du livre L'Accroissement mathématique du plaisir.