Peter Paon et la fée Crochette
(2010)
Peter Paon et la fée Crochette sont tous deux nés d’une coquille : non point un riche coquillage entouré de tritons et de néréides comme la Vénus de Botticelli, mais plus modestement une coquille d’imprimerie qui, pour minime qu’elle fut, n’en eut pas moins des conséquences désastreuses.
On était en 1925. Un petit éditeur de Rocambourg-sur-Loir s’apprêtait à publier une traduction — officieuse — du Peter Pan de J. M. Barrie. Il en confia le manuscrit à Léon Grimaz, imprimeur de la région, qui, peu stimulé par ce texte pour enfants, chargea son apprenti d’en réaliser la typographie. Celui-ci, un frais jeune homme du nom de Nicaise Tourtelier, s’acquitta de sa tâche avec le plus grand soin. Quelques jours plus tard, rose d’émotion, il apporta à son patron le premier jeu d’épreuves.
Quand le placide Léon Grimaz les eut examinées, il entra dans une colère épouvantable.
La première erreur, déjà fâcheuse, portait sur le titre : le nom du héros était orthographié, non Peter Pan, mais Peter Paon. Quant à la deuxième, elle passait les bornes : tout au long du texte, la charmante fée Clochette se voyait affligée du pire des sobriquets.
« Elle ne s’appelle pas Crochette ! hurla-t-il au pauvre Nicaise, terrifié. Mais Clochette : comme une cloche… Cloche que tu es !…
— Faites excuse… Je… Il y avait… ce capitaine Crochet… J’ai cru que…
— Imbécile ! Même pas fichu de lire un bouquin pour les gosses. Et ça veut devenir imprimeur ! Répare-moi ce gâchis d’ici demain. Sinon… la porte ! »
Extrait du livre Forêts secrètes.