L'Écrivain fantôme
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Après « Le Trou dans le mur », dans Fiction n°2, aux Moutons électriques, « Puzzle » dans Utopiae 2006, à l’Atalante, La Bouquineuse chez Xénia, voici un quatrième texte de Z. Zivkovic traduit en français. C’est assez peu pour un auteur jouissant de la réputation qui est la sienne, lauréat du World Fantasy Award (catégorie novella) pour « The Library ». Le problème semble partout le même : on dispose aisément de ce qui est écrit dans le patois local ou traduit de l’anglais, et c’est tout ou presque. Un brin d’allemand, un zeste d’espagnol, un rien d’italien, un semblant de russe… Alors, le serbe… Mais il existe des éditeurs, tout petits, certes, qui font de louables efforts.
Editeur qui, ici, présente ce court roman comme le moins fantastique de Zivkovic, et, pour tout dire, on n’y trouve pas la moindre once de surnaturel. Si fantastique il y a, c’est celui de la situation, improbable, tout juste à la limite de l’absurde. C’est un roman minimaliste s’il en est. Un unique personnage sur la seule scène d’un bureau à domicile, un ordinateur et un gros chat pataud comme un jeune labrador nommé Félicien. Toute l’action, si tant est qu’action il y ait, se déroule en une matinée pour un one man show silencieux hormis les coups de gong annonçant l’arrivée des courriels dans la boîte email du notre « auteur », écrivain en mal d’inspiration qui tue le temps en répondant à ses cinq correspondants plus déglingués du chapeau les uns que les autres.
L’ « admirateur anonyme » voudrait que l’ « auteur » écrive un roman dont il lui céderait la paternité. Hautemer, narcissique et jaloux, écrivain lui aussi, non pas raté, mais médiocre, désire que l’ « auteur » lui écrive des pastiches de ses propres œuvres… Banana souhaite voir l’ « auteur » terminer le roman onirique qu’elle ne saurait finir. P-O pastiche les nouvelles de l’ « auteur » et voudrait que celui-ci écrive les nouvelles-sources dont il aurait déjà rédigé les pastiches par avance ! Et enfin, Pandore, qui n’a d’autre désir que de voir l’ « auteur » écrire un roman sur et pour son chien Albert, dont elle détiendrait l’unique exemplaire pour en faire la lecture au fantôme de son clebs… Tous ces braves gens qui mériteraient bien un entonnoir à jugulaire envisagent chacun derrière leur écran que l’ « auteur » se plie à leurs desiderata en utilisant pour pseudonyme le nom de son chat, comme il le fait sur Internet pour correspondre avec eux.
La quatrième de couv’ dit tout sur L’Ecrivain fantôme, une œuvre joyeuse et espiègle. Une sorte de farce. Un jeu où le lecteur se demande comment l’auteur et l’ « auteur » vont s’en tirer. Le salto de sortie n’est peut-être pas tout à fait à la hauteur des espérances, mais l’essentiel de l’intérêt réside dans la démarche qui nous y conduit. Brillant, virtuose et, surtout, amusant, L’Ecrivain fantôme est une pochade plaisante, loin, très loin des sombres registres où se déploie la plus grande part de l’Imaginaire.