Tabor
Publié le
Tabor, facilement repérable à sa couverture turquoise, est un premier roman – à la fois de l’autrice, mais aussi de sa maison d’édition –, qui annonce s’inscrire dans les genres de « [l’]anticipation queer ou [la] rêverie gothique ». Tabor, c’est aussi et surtout le nom du village reculé et post-effondrement d’où émaneront les voix et personnages qui le composent. En ce lieu isolé (sur)vit une communauté constituée de reclus tentant d’avancer hors des normes du « monde d’avant » et où nous rencontrons rapidement Mona et Pauli, un couple de femmes s’étant réfugiées ici après un déluge dévastateur. Si elles y arrivent unies, peu à peu, le désir (et l’absence de désir) de progéniture et de famille menace leur union… Sans naïveté dans le récit, nous comprendrons très rapidement que l’autosuffisance n’est pas de mise, et que le village tient par l’irruption régulière d’envoyés casqués échangeant mesures vitales contre rations. Par la suite, l’arrivée de nouvelles figures menacera en profondeur le village et sa relative tranquillité, y apportant trouble et doute autour de la société perdurant au dehors.
Tabor aurait pu sentir le réchauffé côté post-apo, et s’il n’est pas exempt de défauts de rythme ou d’imperfections de premiers romans, c’est par l’écriture travaillée et toute particulière que Phoebe Clarke tire son épingle du jeu, faisant fi de toute naïveté sur la façon souvent inventive et parfois désastreuse dont ces citadins pourraient s’accommoder d’un retour à une vie plus rudimentaire. Le roman n’omet pas non plus de décortiquer le besoin d’entraide et le remodelage des relations entre chaque individu d’un groupe ainsi soudé. Aussi Tabor nous entraîne-t-il avec plaisir et inquiétude dans un village de bric et de broc, profondément humain en ses failles comme en ses qualités, qui pourrait exister en marge de certains récits d’anticipation de ces dernières années – on pensera notamment à Viendra le temps du feu de Wendy Delorme ou Bâtir aussi des Ateliers de l’Antémonde. Phoebe Hadjimarkos Clarke compose ainsi un premier roman aux nombreuses voix qui tient aussi bien – et il faut le reconnaître – de l’anticipation que d’une rêverie aux lisières d’un gothique… troublant en sa fin. À découvrir, malgré un tirage confidentiel.