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Les critiques de Bifrost

Comment écrire de la Fantasy et de la Science-fiction

Orson Scott CARD
BRAGELONNE
229pp - 15,00 €

Critique parue en octobre 2006 dans Bifrost n° 44

Les ouvrages didactiques sur l'art d'écrire des fictions ont toujours existé, mais sont-ils aussi utiles qu'un guide du jardinage ou de la plomberie ? Il est à remarquer que ces derniers s'adressent à des néophytes qui ne cherchent pas à faire carrière, ce qui n'est pas le cas des premiers. L'accroche de la couverture est sans ambiguïté à ce sujet : Devenez les auteurs de demain ! Ceci dit, ces ouvrages n'apprennent jamais à écrire ou à développer un style quelconque — si cela s'apprend, cela ne s'enseigne pas —, mais donnent des recettes pour raconter une histoire, c'est-à-dire bâtir une intrigue, camper des personnages, installer une ambiance, gérer un suspense, etc.

Nul doute qu'un auteur aussi bardé de prix qu'Orson Scott Card sait ce qu'écrire une histoire veut dire, et que les conseils qu'il dispense sont considérés comme valables : il parle d'expérience. Se proposant de traiter des récits de fantasy et de science-fiction, Card commence par les distinguer : las, ce n'est pas la partie la plus inspirée du bouquin, c'est même la plus discutable.

La création de mondes, partie qui traite aussi de l'origine des idées, prouve cette fois que Card ne connaît rien à la S-F : c'est du métal et du plastique, il faut des boulons, dit-il en substance, ce n'est qu'un cadre dans lequel raconter des histoires sans rapport avec celui-ci. Dans cette section, l'auteur règle des problèmes de voyages spatiaux et temporels, de choix de noms d'extraterrestres dans une optique strictement utilitaire : ne pas s'embarrasser de détails ni embrouiller le lecteur par une complexité souvent factice. Cette énumération d'évidences n'est pas forcément inutile, d'abord parce qu'on rencontre effectivement les fautes qu'elle tente de prévenir — des schmeerps qui ne se distinguent d'un lapin normal que par le nom, et des histoires qui changent d'intrigue en cours de route — , ensuite parce que ces évidences rappellent des notions essentielles renvoyant au contrat de lecture implicite passé entre l'auteur et son lecteur. Au détour d'une phrase, il est bon de rappeler qu'on ne peut concevoir un monde imaginaire que si on a compris un tant soit peu celui dans lequel on vit. De même, dans la troisième partie, consacrée à la construction de l'intrigue, la nécessité de déterminer ce qui structure le récit, du personnage, de l'événement, de l'idée ou du milieu, est un rappel important.

La quatrième partie se penche, très succinctement, sur des problèmes de narration propres aux littératures de l'imaginaire, comme l'exposition, la suggestion et la difficulté d'user de métaphores dans des textes où elles sont prises au sens littéral. La dernière, enfin, donne des conseils de placement des manuscrits, parfois peu adaptés à la France.

L'auteur ne puise pas que dans ses propres écrits pour donner des exemples. Il aborde chaque point de façon très claire, volontairement simplifiée, mais parfois simpliste. L'ensemble tire en longueur : si on trouve quelques judicieux conseils ou quelques remarques frappées au coin du bon sens (encore fallait-il les dire !), il est dommage qu'ils soient éparpillés dans un verbiage de peu d'intérêt, un point que Card a justement omis d'aborder ici.

Bref, l'ouvrage n'est pas entièrement inutile, peut-être même aidera-t-il quelque débutant, mais on sent bien que l'auteur ne s'est pas investi dans sa rédaction pour en faire l'indispensable guide qu'il aurait pu devenir. Dommage.

Claude ECKEN

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