« Il glissa et tomba dans l'énorme mollard de baleineux qu'un des mâles qui le poursuivaient avait craché à ses pieds. S'il avait pu respirer, il aurait pu crier à la tricherie, mais au lieu de ça il lutta pour se relever alors que deux mâles se rapprochaient de lui en souriant de toutes leurs dents en forme de poignard. « Oh, mon Dieu ! Ils vont me bouffer ! » pensa-t-il, puis il s'aperçut qu'ils venaient de dégainer leurs longs pénis roses et fonçaient sur lui, le pelvis en avant. « Oh, mon Dieu, pensa-t-il, ils vont m'enculer ! » »
Bienvenue chez Christopher Moore, l'écrivain dont les héros se font enculer par des trucs qui ressemblent à des baleines…
Nathan Quinn est un biologiste spécialisé dans le chant des baleines. Nathan Quinn bosse à Hawaï, et Nathan Quinn n'a pas de chance. Son ex-femme l'a quitté pour se mettre à la colle avec une nana après avoir été malencontreusement prise pour une baleine femelle par un mâle en rut ; sa principale source de financement est une vieille folle persuadée que les cétacés lui parlent ; ses collègues se foutent de lui en permanence et le prennent pour le dernier des loosers ; son assistant fume des pétards gros comme le bras et pense que les baleines chantent pour célébrer la grâce de Jah et conspuer Babylone ; sans parler du fait que son laboratoire vient d'être saccagé alors qu'il s'apprêtait à déchiffrer le chant de baleines. Oui, vraiment pas de chance. Jusqu'au jour où il se fait bel et bien boulotter par une baleine et qu'il passe brusquement du niveau 1, « j'ai vraiment pas de chance », au niveau 2, « je suis vraiment dans la mouise »…
Il faut lire Christopher Moore. Parce que ses romans sont drôles, décomplexés, épatants d'incorrection, d'une inventivité unique et d'une sensibilité rare (la tendresse de l'auteur pour ses personnages est palpable, notamment dans le présent bouquin). Chaque livre de Moore est un vrai moment de bonheur, un vent de liberté littéraire tout ce qu'il y a de salutaire. Et si Le Secret du chant des baleines n'est pas son meilleur livre (on n'atteint pas ici le brio déjanté du Lézard lubrique de Mélancholy Cove), il n'en reste pas moins une ode aussi vibrante qu'hilarante à la nature et à ceux qui s'efforcent de la préserver, doublé d'un roman de science-fiction hommage au Jules Verne de Vingt mille lieues sous les mers assez renversant. Du tout bon, en somme. Du Christopher Moore, quoi…