Rhapsody, ancienne prostituée, a décidé de changer de branche socioprofessionnelle et de devenir baptistrelle, une sorte de magicienne chanteuse lyrique. Alors qu'elle progresse sur cette voie difficile, Michael, un de ses anciens clients, la fait mander. Refusant de retomber dans la prostitution et surtout dans les bras de Michael, chef de la pègre d'Easton, Rhapsody prend la fuite et rencontre à cette occasion Achmed le Serpent et le géant Grunthor. Poursuivis par les hommes de Michael, l'étonnant trio prend la route de l'Arbre-Monde, grâce aux racines duquel ils vont pouvoir s'échapper une fois pour toutes de l'île perdue de Serendair. Au contact de ces deux étranges compagnons de route, Rhapsody va peu à peu comprendre que ceux-ci fuient le Shing, un ennemi pour le moins énigmatique, peut-être le plus dangereux qui soit…
Depuis vingt ans maintenant, les éditions Pygmalion publient de la fantasy ; du très bon (Kay, Martin, Hobb), du pas bon (Bradley), et du « sans intérêt » (Coe, Flewelling). Rhapsody appartient clairement à la troisième catégorie. S'il fallait sauver quelque chose de ce premier roman pataud, de cette (inter)minable fuite souterraine et « racinaire », ce seraient les personnages d'Achmed le Serpent, ambigu, difforme et fascinant, et de Grunthor, sympathique ogre au goûteux sens de l'humour. Pour le reste, entre deux morceaux de bravoure plutôt bien menés, mais trop rares, tout est atroce ou raté :
1/ L'histoire, simpliste, maladroite, qui ferait passer le scénario de La Quête de l'Oiseau du temps pour Guerre et Paix.
2/ Le rythme, asthmatique en phase terminale.
3/ La construction, qui se pose là dans le registre du ni fait ni à faire, avec son prologue de soixante ( !) pages que l'on résumera par : « Gwydion, projeté sept siècles dans le passé, rencontre Emily un soir de bal champêtre. Tous deux âgés de quatorze ans ont le coup de foudre et finissent par jouer à saucisse dure dans pucelle pas farouche, même si c'est pas bien avant le mariage. » Trois pages auraient suffi, et encore, je suis d'humeur généreuse.
4/ Le monde décrit n'a rien à voir avec le Moyen-âge, ni de près ni de loin. Comme tant d'autres, Elizabeth Haydon veut faire de la fantasy médiéval(isant)e sans avoir la moindre idée de ce qu'était le monde médiéval occidental. Son manque patent de culture historique est tout simplement insupportable, d'autant plus qu'il nuit ici à la cohérence du récit.
5/ Sans oublier la traduction, qui va du potable au totalement scandaleux, à tel point qu'on se demande si quelqu'un l'a relue.
En ces temps de surabondance en fantasy, sincèrement, je ne vois AUCUNE raison de conseiller ce livre, premier d'une longue série. On préféra donc chez Pygmalion les trois séries suivantes : La Tapisserie de Fionavar (trois volumes), Le Trône de fer (dix volumes à ce jour, et ce n'est pas encore fini), L'Assassin royal (treize volumes à ce jour, et ça continue) ; trois excellents cycles réédités en poche aux éditions J'ai Lu.