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Revues - Bifrost

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Revues - Bifrost - 103

Bifrost n° 103

Six jours avant qu’il n’y ait plus d’argent, Méduse se prit un bon coup de pied au cul d’Encelade. Les thermistances embarquées enregistrèrent un pic soudain — 80°, 90°, 120° —, que suivirent un soubresaut du fond marin et un violent choc latéral sur la sonde. Il y eut un flash lumineux. Un océan incroyablement bouillant. Un fond marin rocheux basculant comme une table renversée par un géant furieux.
Le canal se tut.
La télémétrie se propagea dans l’obscur océan alcalin. Des relais amarrés à la sous-croûte captèrent ces chuchotements, qu’ils amplifièrent et transmirent. Cent quatre-vingts kilomètres plus loin à l’horizon, Euryale — accrochée par en dessous à la glace comme une énorme balane métallique — sépara le signal du bruit et le fit remonter à Stheno par un câble qui traversait six kilomètres de croûte regelée. Les mains orientées en porte-voix vers l’horizon fracturé, Stheno cria en direction de la Terre.

Peter Watts
Test d’écho

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Revues - Bifrost - 104

Bifrost n° 104

Cet hiver, une maladie en Chine dont on parlait au journal de la nuit se changea en pandémie qui se mit à tuer des gens dans le monde entier. Hôpitaux et morgues débordaient. En Europe, on restait chez soi et, quand on sortait, on mettait un masque. En Amérique, certains le mettaient, surtout pour le supermarché. Même si c’était moins classe qu’une énorme éruption volcanique au parc national de Yellowstone, Willie trouvait déjà ça génial. Il suivait les chiffres sur son smartphone. Les écoles fermèrent en avance. Roxie pleura de manquer le bal de fin d’année, mais son frère s’en fichait. Il n’y avait pas de bal de fin d’année en rattrapage.
En mars, Pépé se mit à tousser beaucoup plus, au point de cracher du sang, parfois…

Stephen King
Willie le zinzin

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Revues - Bifrost - 104

Bifrost n° 104

Cet hiver, une maladie en Chine dont on parlait au journal de la nuit se changea en pandémie qui se mit à tuer des gens dans le monde entier. Hôpitaux et morgues débordaient. En Europe, on restait chez soi et, quand on sortait, on mettait un masque. En Amérique, certains le mettaient, surtout pour le supermarché. Même si c’était moins classe qu’une énorme éruption volcanique au parc national de Yellowstone, Willie trouvait déjà ça génial. Il suivait les chiffres sur son smartphone. Les écoles fermèrent en avance. Roxie pleura de manquer le bal de fin d’année, mais son frère s’en fichait. Il n’y avait pas de bal de fin d’année en rattrapage.
En mars, Pépé se mit à tousser beaucoup plus, au point de cracher du sang, parfois…

Stephen King
Willie le zinzin

 

Attention : seule les formats ePub et mobi proposent les articles exclusifs à la version numérique.

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Revues - Bifrost - 105

Bifrost n° 105

Il pleuvait sur la vallée depuis trente-six heures, une pluie drue, ininterrompue. Le sol était saturé. Le moindre repli aux flancs hérissés crachait un torrent boueux qui courait s’agréger aux autres torrents en contrebas avant de se déverser par des chenaux naturels dans la rivière. Une rivière qui, tirée de sa torpeur coutumière, roulait en rugissant tel un nouveau Mississippi, déchirant ses berges, s’étalant en une vaste tache jaune sur les champs et dans les rues de Grand Falls fuies par ses habitants en quête de hautes terres. Arbres déracinés et poutres emportées heurtaient les murs des vieilles bâtisses en brique de la grand-rue. Dans le hall de l’hôtel, les crachoirs de bronze flottaient de plus en plus haut, entrechoquant en un glas pitoyable leurs flancs sonores.
Au sommet des crêtes fermant la vallée au nord-est et au sud-ouest, cachés par une main méticuleuse, deux petits mécanismes bourdonnaient sans interruption — des minisemeurs qui ne devaient rien à la technologie terrienne. Leur énergie s’épuiserait en quelques jours, mais pour l’heure, ils fonctionnaient avec une efficacité remarquable, propulsant un courant régulier de particules chargées d’électricité vers le ciel, ensemençant les nuages qui s’amassaient sur les crêtes. Dans la vallée, la pluie tombait toujours…

Leigh Brackett
Toutes les couleurs de l’arc-en-ciel

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Revues - Bifrost - 105

Bifrost n° 105

Il pleuvait sur la vallée depuis trente-six heures, une pluie drue, ininterrompue. Le sol était saturé. Le moindre repli aux flancs hérissés crachait un torrent boueux qui courait s’agréger aux autres torrents en contrebas avant de se déverser par des chenaux naturels dans la rivière. Une rivière qui, tirée de sa torpeur coutumière, roulait en rugissant tel un nouveau Mississippi, déchirant ses berges, s’étalant en une vaste tache jaune sur les champs et dans les rues de Grand Falls fuies par ses habitants en quête de hautes terres. Arbres déracinés et poutres emportées heurtaient les murs des vieilles bâtisses en brique de la grand-rue. Dans le hall de l’hôtel, les crachoirs de bronze flottaient de plus en plus haut, entrechoquant en un glas pitoyable leurs flancs sonores.
Au sommet des crêtes fermant la vallée au nord-est et au sud-ouest, cachés par une main méticuleuse, deux petits mécanismes bourdonnaient sans interruption — des minisemeurs qui ne devaient rien à la technologie terrienne. Leur énergie s’épuiserait en quelques jours, mais pour l’heure, ils fonctionnaient avec une efficacité remarquable, propulsant un courant régulier de particules chargées d’électricité vers le ciel, ensemençant les nuages qui s’amassaient sur les crêtes. Dans la vallée, la pluie tombait toujours…

Leigh Brackett
Toutes les coueurs de l'arc-en-ciel

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Revues - Bifrost - 106

Bifrost n° 106

Au premier anniversaire de la mission, Jasper, encore nu, encore fâché, décrète qu’ils sont piégés dans une simulation.
« Réfléchissez, débiles. » Du plat des mains, il pousse contre le plafond bas en métal, fléchissant ses bras d’os et de tendons. « Le lancement, c’était comme à l’écran, non ? L’énorme grondement, le compte à rebours interminable, l’inversion de gravité. Un véritable film. »
À deux mètres de là, Beatriz est sous perf. Un tuyau sinue jusque dans son poignet tout meurtri ; le cocktail chimique la cloue au matelas en mousse à mémoire de forme. Elle se rappelle le lancement. Un vigile qui kiffait ses tatouages de la Santa Muerte lui a refilé en douce un sandwich au salami, genre ceux qu’elle achetait à la supérette avec sa mère. Elle a vomi ce dernier dîner quand ils sont passés en apesanteur ; il flottait dans la cabine comme un ballon pourri.
Beatriz ne prend plus la peine de répondre à Jasper, sauf quand ils baisent…

Rich Larson
On est peut-être tous des sims

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Revues - Bifrost - 107

Bifrost n° 107

Voici les causes du désastre :
Premièrement : l’estimation de la température de la planète était incorrecte. La balise n’aurait jamais dû être installée. Ce monde ne peut pas supporter davantage la vie humaine que les déserts glacés de nos pôles. Deuxièmement : mes compagnons sont tous morts. J’ignore au juste ce qui est arrivé ; sans doute des défauts d’encodage, une défaillance au cours de la transmission ou une erreur dans la réception de la balise. Quelle qu’en soit la cause, le résultat est le même. Ils ne se sont jamais réveillés. L’analyse de la balise en dira davantage, mais un premier diagnostic a révélé que des séquences entières de leur téléchargement étaient manquantes, ou altérées, ou dans un ordre chaotique. Les matériaux de leurs réceptacles ont été traités par le système de recyclage. Troisièmement : la plupart des dépôts sont perdus, endommagés ou inaccessibles. J’ai retrouvé le premier à treize kilomètres de son emplacement initial et à trois cents mètres au fond d’une crevasse. Mon scanner a indiqué qu’il se trouvait sens dessus dessous, encastré dans la glace. Il est bloqué là depuis déjà plusieurs centaines d’années et fait désormais partie du glacier. Pas question de descendre dans cette faille pour le dégager…

Ray Nayler
Sarcophage

 

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Revues - Bifrost - 108

Bifrost n° 108

Ma dernière nuit d’enfant commença par une visite. Les sœurs de T’Gatoi nous avaient attribué deux œufs stériles. Le premier, T’Gatoi le donna à ma mère, mon frère et mes sœurs ; l’autre, elle tenait à ce que je le mange en entier. Peu importait. Il y en avait assez pour que tout le monde se sente bien à la ?n. Presque tout le monde. Ma mère ne voulait pas y toucher. Elle restait assise là, à nous regarder planer et rêver sans elle. La plupart du temps, elle me regardait, moi. Couché contre le long ventre velouté de T’Gatoi, je sirotais mon œuf en me demandant pourquoi ma mère se refusait un plaisir aussi inoffensif. Elle aurait eu moins de cheveux gris si elle se l’était accordé de temps en temps. Les œufs prolongeaient la vie et la force. Mon père, qui n’avait jamais dit non à aucun, était parvenu à un âge au moins deux fois plus avancé que la normale. Et, sur le tard, quand il aurait dû se trouver ralenti, il avait épousé ma mère et lui avait fait quatre enfants…

Octavia E. Butler
Enfants de sang

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Revues - Bifrost - 108

Bifrost n° 108

Ma dernière nuit d’enfant commença par une visite. Les sœurs de T’Gatoi nous avaient attribué deux œufs stériles. Le premier, T’Gatoi le donna à ma mère, mon frère et mes sœurs ; l’autre, elle tenait à ce que je le mange en entier. Peu importait. Il y en avait assez pour que tout le monde se sente bien à la ?n. Presque tout le monde. Ma mère ne voulait pas y toucher. Elle restait assise là, à nous regarder planer et rêver sans elle. La plupart du temps, elle me regardait, moi. Couché contre le long ventre velouté de T’Gatoi, je sirotais mon œuf en me demandant pourquoi ma mère se refusait un plaisir aussi inoffensif. Elle aurait eu moins de cheveux gris si elle se l’était accordé de temps en temps. Les œufs prolongeaient la vie et la force. Mon père, qui n’avait jamais dit non à aucun, était parvenu à un âge au moins deux fois plus avancé que la normale. Et, sur le tard, quand il aurait dû se trouver ralenti, il avait épousé ma mère et lui avait fait quatre enfants…

Octavia E. Butler
Enfants de sang

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Revues - Bifrost - 109

Bifrost n° 109

Ma femme et mes filles ne me comprenaient pas. Elles se plaignaient de tout ce sang qui giclait dans la maison quand j’empaillais une bête. C’est ma femme qui le supportait le moins.
Elle ne supportait pas grand-chose, mais c’était une sainte. Saine, robuste, avec des bras maigres mais puissants. Une vraie paysanne. Futée et peu bavarde.
Maintenant que j’y pense, elle ne parlait quasiment jamais. Seulement pour se lamenter lorsque j’empaillais ou pour nos filles. Là, elle devenait violente. Elle m’a menacé une fois avec une pelle. « Tiens-toi à l’écart de tes filles, vieux porc !
– Mais ils le font tous ! Pose ce truc et prépare à manger ! »
Je ne parlais pas beaucoup non plus, j’essayais surtout de la calmer. Elle n’était pas méchante en fait, non. Elle s’occupait de la maison et ne parlait pas avec les voisins. Chez nous, le silence régnait. On vivait bien.

Valerio Evangelisti
Cicci di Scandicci

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