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Quitter les monts d’automne

Dans un lointain futur, l’humanité a essaimé sur de nombreux mondes, ainsi Tasai, dont la culture préindustrielle est clairement inspirée du Japon du Dit du Genji. Sous la lointaine houlette du Flux, concept nébuleux qui apparaît religieux quand on y devine, de l’extérieur, une dimension technologique, Tasai prise d’autant plus le « Dit » que l’écriture y est interdite et passible de mort ; mais il y a donc les conteurs, ces gens qui ont connu l’expérience mystique du Ravissement – dès lors à même de conter ce qui ne peut pas être lu, en plongeant dans une sorte de transe. Mais tout le monde n’a pas accès au Dit : la narratrice, Kaori, a beau être fille et petite-fille de conteuses, il se refuse à elle – aussi doit-elle se contenter de danser sur les récits des autres.

À la mort de sa grand-mère, pourtant, elle hérite d’un bien singulier trésor : un rouleau calligraphié, dont la simple possession est criminelle. Kaori, intriguée autant qu’effrayée par l’objet, mais tout autant curieuse de savoir d’où elle vient pour savoir qui elle est, doit quitter les Monts d’Automne pour en apprendre davantage. Son périple, sur Tasai même, lui fait envisager un monde bien différent de celui qu’elle a toujours connu — mais elle voyagera à terme bien plus loin, quittant Tasai pour naviguer au sein du Flux et contre lui, et en définitive remonter à sa source : il y faudra des années-lumière de distance, et des siècles d’errance…

Quitter les Monts d’Automne débute comme un roman initiatique assez commun – le cadre japonisant ne lui conférant pas tant de singularité que cela, même s’il n’est pas sans élégance. Dans le meilleur des cas, Émilie Querbalec chasse ici sur les terres d’Ursula K. Le Guin, et non sans habileté. Cette référence vaut sans doute aussi pour la suite, dans la confrontation du caractère « primitif » de Tasai et de Kaori avec la réalité autrement technologique des mondes du Flux – même si ce dernier apparaît bien plus menaçant que l’Ekumen…

C’est bien ce décalage qui fait la saveur du roman – et de la sorte la dimension initiatique du récit se mue, insidieusement d’abord, puis plus brutalement, en une prise de conscience quant à la nature de l’univers qui dépasse et sublime la seule quête d’identité. Mais en des termes communs ? L’expérience vécue par Kaori, si elle évoque aux lecteurs de SF la démesure intimidante et fascinante du sense of wonder, ce vertige si désirable, revêt pour elle quelque chose qui tient de la magie. Cette naïveté participe de son charme – et si l’on a pu critiquer le caractère passif de « l’héroïne » une fois Tasai abandonnée, on avouera que cela nous préserve des fâcheuses lourdeurs si communes dans les récits où figure un(e) élu(e).

Il s’agit bien d’un pur roman de science-fiction, du début à la fin – le caractère en apparence « primitif » de Tasai ne suffit certes pas à lui conférer les atours de la fantasy. Si Quitter les Monts d’Automne donne parfois l’impression de jongler entre les genres, c’est plutôt au travers d’une trame globale qui peut paraître décousue par moments – notamment lors des étapes intermédiaires du voyage spatial, quand une sorte de thriller en huis-clos se met en place. En même temps, ce caractère s’avère pertinent, quand on le lit au prisme de la dilatation spatiale et temporelle qui caractérise la deuxième moitié du roman. Et si le point final a sans doute, comme le point de départ, quelque chose de convenu, peu importe : c’est le voyage qui compte – et il est fascinant.

La plume d’Émilie Querbalec y est pour quelque chose : sans en faire trop, elle sonne juste – et parvient régulièrement à exprimer une sobriété élégante tout à fait à propos. En d’autres occasions, la justesse et la sobriété s’associent pour exprimer la douleur de Kaori avec un impact certain, qu’il s’agisse d’une mélancolie sourde s’inscrivant dans la durée, ou de la brutalité insoutenable d’une très rude scène de viol. Au-delà, cependant, il y a donc ce vertige des grands nombres, suscité et entretenu avec beaucoup d’habileté.

Quitter les Monts d’Automne n’est sans doute pas un roman parfait, mais il fonctionne remarquablement bien, surtout en ce qu’il dépasse le caractère un brin bateau de l’exposition pour convier le lecteur à participer, au côté de Kaori, à une fascinante et surprenante odyssée de l’espace, qui est en même temps, comme de juste, une aventure personnelle.

Les Villes nomades

Chez Mnémos comme en SF, on est friand des Histoires du futur. Après celles d’Heinlein, de Smith ou de Niven, l’éditeur publie celle créée par James Blish dans les années 50 et 60 à travers les quatre tomes du cycle «  Les Villes nomades ». Certains sont des fix-ups, d’autres des romans écrits d’une traite, l’un d’eux a été rédigé des années après les autres et inséré entre les deux premiers tomes de la trilogie initiale, et tous ont subi des révisions en réponse à des points soulevés par les lecteurs. Aux hommes les étoiles décrit une année 2018 où la Guerre Froide est toujours d’actualité, et où, pour combattre l’URSS, les USA se sont transformés à leur tour en un état policier et totalitaire  ; dans l’espoir de préserver la culture occidentale, une cabale initie un projet scientifique secret, notamment un « pont » dans l’atmosphère de Jupiter devant permettre de valider certaines théories alternatives. Dans Villes nomades, l’aboutissement du projet a permis, mille ans plus tard, à des villes entières de s’arracher de la surface de la Terre pour proposer leurs compétences industrielles ailleurs, sur le modèle des Okies, travailleurs migrants de l’Oklahoma des années 20 et 30. Dans La Terre est une idée, on suit les aventures intergalactiques de New York, une des plus prestigieuses de ces villes nomades, menée de main de maître par le (très asimovien) maire Amalfi. Enfin, dans Un coup de cymbales, Blish va au terme de ses 2000 ans d’Histoire future et au bout de celle de l’univers !

La préface se plaît à souligner la solidité scientifique de l’ensemble (Blish, critique à la dent dure, en reprochait l’absence à certains de ses collègues auteurs) et l’importance du cycle dans le corpus SF, quand bien même « il fait son âge ». Une solidité qu’il importe toutefois de nuancer, car ce qui n’a pas été invalidé depuis les années 50/60 est parfois employé de façon abracadabrante, notamment en cosmologie – dans le premier et le dernier roman, on a davantage du technobabillage que de la vraie science, même de son époque. Quant au statut de cycle majeur, on est loin des autres Histoires du futur, d’autant que des quatre romans, seul le troisième présente un réel intérêt. Le premier est poussif pour le peu qu’il a à raconter (qui plus est résumé en quelques paragraphes dans les autres tomes), le second est un roman d’apprentissage très (trop) classique, même si son protagoniste est attachant, et le dernier s’avère trop bancal sur le plan scientifique pour convaincre. Reste à mettre au crédit de l’ensemble un sense of wonder indéniable et un excellent troisième tome.

Le Seigneur des Empereurs

Second volet du diptyque « La Mosaïque Sarantine », Le Seigneur des empereurs fait suite à Voile vers Sarance. Il introduit un nouveau personnage, Rustem, un médecin Bassanien envoyé espionner Sarance, et qui, comme Crispin, est un autre étranger portant un regard extérieur sur les Sarantins. Un homme ordinaire évoluant, bien contre son gré, au cœur des intrigues tissées par trois femmes exceptionnelles pour s’emparer du pouvoir ou le conserver. Kay a toujours particulièrement soigné ses personnages, tout spécialement les féminins, mais il atteint sans doute ici le sommet de son art en la matière. S’il nous place au point où le paradigme bascule, où l’Histoire prend un nouveau cours, dans les pas des souverains et autres hauts personnages, il n’en oublie pas pour autant le sort des gens modestes. D’ailleurs, les scènes de plus grande envergure ne sont pas situées à la fin du roman, mais bien avant, et la conclusion met à nouveau en lumière l’art du mosaïste et celui qui lui donne vie.

La première partie (environ 240 pages) nous fait croire que le rythme restera aussi lent que dans le premier volet ; la seconde nous détrompe, faisant s’accélérer les événements et réservant au lecteur ébahi des scènes d’une intensité dramatique absolument extraordinaire. Si Voile vers Sarance pouvait laisser penser que le diptyque pouvait relever, dans un monde imaginaire où le surnaturel est réel, d’une allégorie du règne de Justinien et de Théodora, dans l’Histoire réelle, Le Seigneur des empereurs, en revanche, donne à ces personnages, ainsi qu’à l’équivalent de Bélisaire, un destin totalement inédit. Ainsi, la remarquable précision de la reconstitution de la Byzance de l’époque, jusque dans le comportement de ses souverains ou dans des citations à peine déguisées de L’Histoire secrète de Justinien, par Procope de Césarée, est mêlée à un cours de l’Histoire différent, et bien sûr à des phénomènes magiques.

Voile vers Sarance était un bon roman pour qui connaissait déjà et appréciait Kay. Le Seigneur des empereurs est d’un tout autre niveau, hissant l’ensemble du diptyque à des hauteurs vertigineuses, dignes du meilleur de sa bibliographie (qui regorge pourtant de très grands romans de fantasy historique). On ne pourra que recommander à qui veut découvrir la prose du Canadien de s’y intéresser (même s’il devra faire preuve de patience, tant la mise en place des dominos est lente – mais leur chute ébouriffante), et on conseillera même à ceux qui ne l’apprécient pas, d’habitude, de se faire violence, tant les événements d’une certaine nuit fatidique sont contés par l’auteur de manière extraordinaire, parfaitement servis par la remarquable traduction inédite de Mikael Cabon.

Les Hurleuses

Les Hurleuses est la première partie du diptyque « Vaisseau d’Arcane », qui se déroule dans le même univers qu’Engrenages et sortilèges, roman d’Adrien Tomas YA paru chez Rageot. Celui-ci se destine cette fois aux adultes et se place dans un autre coin de ce monde. En termes de genre, Les Hurleuses relève de l’Arcanepunk / Fantasy industrielle mélangeant technologie et magie, la première étant alimentée par la seconde (l’arcanicité remplace l’électricité). En effet, la magie peut se présenter sous forme solide ou liquide, pouvant notamment frapper quelqu’un pris sous un « orage de mana » et le transformer en « Touché », individu dont la personnalité et l’intelligence sont quasiment annihilées mais qui, contrairement à un mage classique, a accès à des réserves d’énergie surnaturelle illimitées, utilisées pour alimenter trains, canons à rayons et autres ascenseurs à lévitation. La magie a de plus des effets mutagènes, transformant des essaims d’insectes en intelligences de groupe ou les poissons des abysses en une civilisation hautement évoluée, qui explore la surface via des aéroscaphes mécaniques. On comprendra donc que les villes humaines soient sous dômes !

L’intrigue nous fait suivre Sof, une infirmière qui cherche à soustraire Solal, son frère qui vient juste de devenir un Touché, du sort de centrale énergétique vivante qu’impose le gouvernement, tandis que Nym, Opérateur (assassin) jadis au service de ce dernier, cherche à les retrouver, alors qu’il vient de décider de trahir et est lui-même poursuivi par ses anciens collègues. Le roman nous emmène aussi sur les premiers pas de l’ambassadeur Gabba Do du peuple des Profonds… pardon, des Poissons-crânes. Le tout alors que la guerre menace sur deux fronts, d’un côté avec les orcs (qui sont verts car partiellement autotrophes grâce à la chlorophylle), de l’autre avec l’ancienne puissance colonisatrice, la république isocratique (comprenez : Communiste) de Tovkie.

Au début, on croit deviner dans Les Hurleuses un classique pamphlet pro-écologiste, anti-industrialisation, anti-préjugés (ici envers les orcs), dénonçant une oligarchie vaguement déguisée en démocratie, les assassinats commandités par l’État, les collusions entre les officiels et les industries (armement, minières), les méfaits du capitalisme débridé, le musellement (ou pire) des intellectuels, journalistes, opposants et syndicalistes, avec en point d’orgue « l’ isocratisme, c’est le Bien ». Sauf qu’on finit par s’apercevoir que le propos d’Adrien Tomas est considérablement plus nuancé et subtil que cela. Et que de toute façon, l’univers (même si les races tolkieniennes végétales ou celles mutées par magie ne sont pas originales, juste assez inhabituelles), les personnages, les dialogues, le style, et surtout un scénario remarquablement astucieux compensent largement ce qui aurait pu être une maladresse. Et de toute façon, comment résister à un roman mettant en vedette la gougère à la méduse ? Vivement la suite !

La Chose

Approchez… Plus près… Installez-vous confortablement au coin du feu et venez lire cette histoire terrifiante… Laquelle ? Vous la connaissez, voyons… Celle de l’expédition partie au pôle Sud et qui n’est jamais revenue : hommes et chiens confrontés à l’inconnue, à l’horreur radicale. John Carpenter vous l’a déjà racontée en 1982 dans The Thing, à moins que ce ne soit la version de 1951 de Christian Nyby, The Thing from Another World… Ici, revenez à la source et découvrez la toute première version de l’histoire : La Chose, signée par John W. Campbell sous le pseudonyme de Don A. Stuart en 1938 dans les pages de son magazine, Astounding. Un récit culte. Séminale s’il en est. Une pierre de touche dans l’histoire de la SF mondiale.

Délicieusement rétro avec ses grands gaillards adultes parlant de « zoziaux  » ou son poêle à charbon pour chauffer la base, La Chose est finalement très moderne dans son histoire. Et si la lecture superpose les images des films aux mots du texte (l’adaptation de Carpenter s’avérant très fidèle), elle apporte également sa propre scénographie. L’origine extraterrestre de la chose est détaillée, son vaisseau localisé, et son apparence initiale présentée. Le tour de force opère : que le lecteur connaisse par cœur l’histoire qui va se dérouler au fil des pages ou qu’il la découvre complètement, la tension montera petit à petit, jusqu’au climax final. Même si celui-ci est, par une belle pirouette, plus optimiste que les films, et finit par un beau cadeau scientifique pour l’humanité. Si un récit a mérité le nom de la collection qui le publie, c’est bien celui-ci : dès les trois premiers mots, impossible de le lâcher. D’autant que le texte est suffisamment ancien et court pour que l’auteur n’ait pas eu le temps d’exposer ses théories les plus nauséabondes sur l’esclavage, le racisme, les femmes ou la sexualité. Autant en profiter sans remords ni mauvaise conscience, donc.

Le livre terminé, il reste tout de même une question : comment diable des vaches ont-elles été acheminées dans le sous-sol de l’Antarctique pour répondre aux besoins en viande et en lait des scientifiques américains ? (1)

Note
(1). Par bateau, comme tout le reste, ainsi que l’a fait l’amiral Byrd en 1933 avec trois têtes de bétail qui seront même ramenées aux États-Unis en 1935, ce dont Campbell, curieux et documenté, avait forcément connaissance [NdPPD]

Eau douce

Que se passe-t-il quand un enfant grandit dans le ventre de sa mère ? Pour les Igbo, il est encore en contact avec les esprits qui décident de son destin. Mais le portail est censé se fermer le jour de la naissance.

Ada, elle, n’a pas eu cette chance : la porte est restée ouverte, et elle est désormais ?gbanje, habitée par les esprits qui n’ont pas réussi à quitter son corps avant la naissance.

Elle grandit au Nigeria dans une famille divisée, en ignorant cette possession. Jusqu’à son départ pour des études aux États-Unis, et à l’agression violente qu’elle subit là-bas, qui déclenche sa « renaissance  ». Désormais, elle partage sa vie avec les êtres qui habitent son âme, chambre de marbre censée être inviolable. Tiraillés entre l’émerveillement d’être chair, et l’appel insistant des « frèresœurs », ceux qui sont restés dans l’obscurité de l’autre côté, les esprits prennent parfois le contrôle de son corps, comme As?ghara, la bête, qui gère tout contact charnel, ou Saint Vincent, qui offre une autre alternative à l’Ada, « en suspension, entre ces concepts inadaptés de masculin et de féminin ». Car comme le disent si bien les voix, les « nous », qui protègent l’Ada de l’intérieur, pour lui éviter de trop souffrir : « beaucoup de choses sont préférables à une souvenance totale. »

Sans fard, mais gardant néanmoins toujours une certaine pudeur sur les agressions vécues, qui se devinent, et se dévoilent peu à peu pour être enfin écrites dans la dernière partie du livre, ce récit en partie autobiographique exprime avec brio le terrible parcours des troubles de la personnalité, et des traumatismes qui ont pu les déclencher.

Jouant parfois avec le fantastique par la multiplicité des personnalités mythologiques et divins qui s’y expriment, ces narrateurs si différents, l’histoire retrace surtout avec force et intimité le parcours d’une vie fracassée, et le coût de la survie, ses années passées à se chercher, et à tenter de recoller les morceaux éparpillés dont on n’avait pas conscience ni connaissance. Car comment réparer ce qui est dévasté ? Comment avancer, quand seule la déshumanisation permet de continuer ? Les émotions sont précises, et la sincérité visible derrière chaque voix, chaque moment de la vie de… de qui d’ailleurs ? Chaque voix, à sa façon est unique, et le patchwork dessiné est fascinant, dans ses détails ou dans son ensemble.

Le fantastique n’est qu’esquissé, à travers le doute entre folie ou la foi dans la cosmologie igbo ou chrétienne, est sert surtout de passerelle vers la construction d’un nouvel être, qui sera la somme de tous les autres, et de toutes ses expériences, charnelles, divines, mystiques, qui forment, malgré tout, l’humain.

“À dos de crocodile” dans la Yozone

« À dos de crocodile est un concentré de science-fiction de haut vol, celle du vertige explorant un avenir très lointain et si différent de notre présent. L’humain a toujours besoin de défis pour alimenter son envie d’aller plus loin, les extraterrestres sont une réalité, la science a progressé à bonds de géant… mais l’univers conserve toujours une part de mystère, donc de magie. » La Yozone

“Vision aveugle” : la couverture

Sur le forum, découvrez la couverture, signée Manchu, de la réédition de Vision aveugle de Peter Watts ! Le roman, augmenté d'une préface et d'une nouvelle inédites ainsi que d'illustrations intérieures, sortira le 23 septembre.

“La Course aux étoiles” dans la Yozone

« Lire un épisode de « Capitaine Futur » revient à s’injecter une bonne dose de sense of wonder, et pas besoin d’aiguille pour ça ! Et les effets sont notables : évasion garantie avec oubli de la morosité ambiante, sans oublier le rajeunissement à la clé. La course aux étoiles, c’est le space opera dans toute sa splendeur, celui des débuts où aucune limite n’existait. Plein gaz ! » La Yozone

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