Sandremonde
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Sept ans après avoir créé « Exofictions », collection dédiée aux littératures de l’Imaginaire, Actes Sud décide de se lancer dans la fantasy old school. On aurait pu penser que l’éditeur chercherait une grosse locomotive anglo-saxonne, comme il l’a fait en SF avec « The Expanse ». Il a préféré sélectionner un auteur français, qui signe ici son premier roman. Un pari audacieux… et incontestablement perdu.
Car Sandremonde est un pensum littéraire comme on ne devrait pas en voir chez pareil éditeur, une fantasy éculée à élu, prophétie, enfant aux origines mystérieuses, protagoniste amnésique, quête d’un objet légendaire, d’un manichéisme puéril et se déroulant dans un sempiternel monde pseudo-médiéval. Pire encore, le style, quand il n’est pas pompeux (6,2 sur l’échelle de Silhol : l’auteur s’écoute parler d’une façon abominable), peut partir dans des envolées lyriques frisant le ridicule, quand ce dernier n’est pas atteint. C’est bien beau d’employer un vocabulaire recherché, mais il serait préférable d’éviter d’utiliser des mots à mauvais escient ou de façon maladroite, confondant notamment impunité et inviolabilité, parlant de sang « en cavale », employant le complètement désuet et obscur verbe flécher pour dire qu’on tire une flèche ou encenser pour parler d’un cheval agitant la tête, en évoquant des pseudos-orcs montés sur des poneys-licornes ou, à plusieurs reprises, des épées qui miaulent en sortant de leur fourreau. Miaou miaou, on a vu mieux en matière d’épique !
Ajoutons à ce déjà lourd dossier des débuts de chapitres en forme de citations, pédantes et pesantes au possible, un tic d’écriture consistant à faire parler un peuple étranger dans un charabia censé représenter sa langue avant de « traduire » (amusant la première fois, moins la centième), un rythme plus plat que Jane Birkin, des personnages caricaturaux, interchangeables pour la plupart car sans consistance, et auxquels il est impossible de s’attacher, des dialogues déclamatoires manquant totalement de naturel, des « décors » parfois intéressants mais insuffisamment exploités – l’auteur en changeant bien trop souvent –, un aspect surnaturel bordélique mêlant influences chrétiennes, celtiques, et celles d’une demi-douzaine d’autres mythologies pour un résultat bancal, et une intrigue qui, outre le fait qu’elle est vue et revue (n’était peut-être son aspect temporel – et encore), n’offre ni rebondissement ni détours (elle est trop linéaire), ni même la moindre tension dramatique. Le bouquin est bien trop long (600 pages !) pour le peu qu’il a à raconter (même si, paradoxe, Deparis se permet une fin totalement bâclée !), et encore le fait-il mal, sans la moindre puissance évocatrice.
La fantasy n’est pas une sous-littérature dont on peut pénétrer le marché avec un livre écrit par un auteur qui a tout à apprendre (certains romans autoédités sont plus convaincants, c’est tout dire) et dont son éditeur ne lui a rien appris. « Il ne voulait plus entendre cette jérémiade qui égrenait des mots comme des excréments de la pensée. » On ne vous le fait pas dire, monsieur Deparis (p. 332).