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“À lire à ton réveil” : la couverture

Récit épistolaire fantastique, À lire à ton réveil de Robert Jackson Bennett vous emmènera sur les pas d'un archéologue anglais qui, fuyant ses créanciers en Lorraine, va déblayer les ruines d'une abbaye… et mettre au jour des choses qui auraient dû rester cachées. Ce nouveau titre de la collection « Une Heure-Lumière », traduit par Michelle Charrier, paraîtra le 22 mai et vous pouvez à présent découvrir la couverture par Aurélien Police !

Sous les pavés, “Changements de Plans”

« Changements de Plans est donc un recueil passionnant, recelant en son sein de multiples mondes, aussi riches qu’étranges, qui flattent le goût pour l’ailleurs et le voyage, ouvrant les perspectives sur l’altérité, mais aussi sur les tours et détours suivis par les êtres pensants pour faire société. Une expérience garantie sans jet lag. » Yossarian, sous les pavés la page

Le Nocher des livres embarque dans “Changements de plans”

« Éditer enfin cet ouvrage est une merveilleuse idée, d’autant que l’ouvrage est superbe. Il est vrai que la collection Kvasar du Bélial’ est coutumière du fait. Mais j’ai particulièrement apprécié la couverture et l’aspect général de ce titre, tant pour l’illustration d’Aurélien Police, que dans le fini de l’objet lui-même. Un écrin idéal pour un recueil aussi riche, aussi révélateur du talent d’Ursula K. Le Guin, une autrice qui a décidément marqué la SFF. » Le Nocher des livres

“Changements de Plans” sur L'Épaule d'Orion

« Publié originellement en 2003, Changements de plans est une composition relativement tardive d’Ursula K. Le Guin et qui constitue à mon sens un condensé de l’essence de l’œuvre de l’autrice, un moment empreint de sagesse et d’expérience. C’est un superbe recueil de textes qui bénéficie de la très belle traduction de Mélanie Fazi (et Pierre-Paul Durastanti […]), et est mis en valeur par cette édition dans la collection de qualité Kvasar chez Le Bélial’ qui reprend les illustrations intérieures de la version originale réalisées par Eric Beddows. Une des belles parutions de ce début d’année. » L'Épaule d'Orion

Ainsi sera-t-il

En 1971, quand Ainsi sera-t-il paraît en France, six ans après son édition américaine, Harlan Ellison n’a encore que peu été traduit : seulement une petite dizaine de nouvelles, dans Fiction et Galaxie, depuis 1963. Autant dire que ce recueil a permis aux lecteurs de l’époque de se faire une idée plus précise des qualités et des particularités de l’auteur, soulignées en outre, en fin de volume, dans un article laudateur signé Jean-Baptiste Baronian.

De fait, les sept nouvelles au sommaire of­frent une belle variété de thèmes et de tons. Le recueil s’ouvre sur un texte aussi léger que son titre français, « Les Fadas », le suggère. Une histoire mettant en scène une civilisation extra­terrestre régnant sur la Galaxie, qui cache comme un secret honteux une planète dont les habitants, tous plus cinglés les uns que les autres, tiennent pourtant un rôle prépondérant dans l’évolution de cette culture.

À l’inverse, le récit suivant, « Logos-vengeur », joue plus la carte du tragi­que avec cet individu choisi pour dispenser la souffrance auprès de ses contemporains, tout en se désolant du rôle qu’on le force à tenir. Même chose dans « Œil-de-magie », sinistre errance au milieu d’un décor de désolation, qui se conclut sur un specta­cle plus apocalyptique encore. Un texte qu’on classerait volontiers de nos jours dans la dark fantasy.

De manière générale, les héros de Harlan Ellison se situent, volontairement ou non, en marge de la société. Ce sont les fadas de la nouvelle éponyme, ce sont les monstres mutants expulsés vers les étoiles par leurs compatriotes dans « Les Laissés-pour-compte », ce sont ces chirurgiens dont les compétences sont devenues obsolètes lorsque des robots bien plus fiables qu’eux les ont remplacés dans « Les Docmecs ». Jusqu’à ce que le vent tourne et qu’ils aient l’occasion de démontrer leur utilité. De ce point de vue, le héros de « Arlequin et l’homme-tic-tac » est probablement le plus ellisonien de tous ; il est le grain de sable qui vient gripper les rouages d’une société aussi performante que déshumanisée. Une nouvelle qui se place sous le double patronage de Henry David Thoreau et de George Orwell, et qui mêle à merveille critique sociale et comédie absur­de.

Tous, à leur manière, luttent contre une so­ciété normative et souvent oppressive, ou, faute de mieux, tentent de s’en extraire, à l’instar d’Alf Gunnderson, le héros mutant de « Plus impénétrables que les ténèbres », qui refuse de prendre part à une guerre sans fin et d’être transformé en arme de destruction massive. Il trouvera refuge dans l’art, devenant, à son modeste niveau, pourvoyeur d’émotions plutôt que de mort à grande échelle.

Aujourd’hui comme il y a cinquante ans, Ainsi sera-t-il s’avère une excellente porte d’entrée dans l’œuvre d’Harlan Ellison. Tout juste regrettera-t-on une traduction datée et parfois approximative.

 

 

 

Du Pays de la Peur

Paru deux ans après Ainsi sera-t-il, en France comme aux USA, Du pays de la peur réunit paradoxalement des textes plus anciens, datant pour la plupart de la seconde moitié des années 50. Ils sont également plus courts, et pour certains semblent avant tout relever de l’exercice de style. C’est par exemple le cas de « Bataille sans étendard », baroud d’hon­neur d’évadés de prison qui fleure bon la sueur et la cordite, « Le Pleureur », un crime pas si parfait que ça, ou « Le Temps de l’œil », roman­ce qui coche toutes les cases du genre avant de déraper vers l’horreur dans ses ultimes phra­ses. Ellison s’essaie d’ailleurs ici, à plusieurs reprises, à la nouvelle à chute, avec plus ou moins de bonheur. La révéla­tion finale de « Mon frère Paulie », histoire d’un pilote de fusée expérimentale harcelé en plein vol par son jumeau, ne surprend guère, tandis que celle de « La Voix dans le jardin » a le mérite de la brièveté et, surtout, de détourner l’une des chutes les plus éculées de la science-fiction.

À l’instar de son grand ami Isaac Asimov, Harlan Ellison met également en scène nom­bre de robots dans ces nouvelles, mais sans jamais s’embarrasser des fameuses Trois lois de la robotique. Ce que ne manquera pas de regretter le personnage principal de « Module de secours », qui pensait avoir échappé à la mort en trouvant refuge dans un abri spatial, pour, au final, devoir faire face à un robot dé­traqué qui n’aura de cesse d’essayer de le tuer. Celui que l’on découvre dans « Le Voyageur » ne se soucie guère plus du bien-être de l’humanité, quand bien même il éprouve une fidélité sans borne à l’égard de son créateur, disparu des siècles plus tôt. Quant à ceux d’« Un Ami de l’homme », ils feront preuve de la même efficacité et de la même persévérance pour servir les humains ou pour les éradiquer.

Autant de textes qui démontrent si besoin était le professionnalisme d’Ellison à cette épo­que, mais qui peinent à rivaliser avec ceux au sommaire d’Ainsi sera-t-il. Seuls deux y parviennent. « Les Cieux enflammés », tout d’abord, sidérante vision de créatures extra­terrestres venues mourir dans l’atmosphère terrestre en donnant naissance à un spectacle aussi magnifique que tragique. Et puis « Soldat », dont les deux versions occupent plus du tiers du volume. La première, initialement parue en 1957 dans la revue Fantastic Universe, est un plaidoyer aussi sincère que naïf contre la guerre. La seconde est le scénario qu’Ellison en tira pour la série télé The Outer Limits. Le cadre est le même, l’histoire d’un combattant d’une guerre éternelle future, transporté accidentellement à notre épo­que, mais l’accent est cette fois mis sur l’incapacité pour ce soldat à remettre en question sa programmation dans le but de s’adapter. Vingt ans plus tard, l’auteur accusera James Cameron de s’en être inspiré pour écrire Terminator, et en tirera de substantiels revenus.

 

 

La Chanson du zombie

Dernier volet de la série de quatre recueils d’Ellison publiée à la fin des années 70 par Les Humanoïdes Associés, La Chanson du zombie présente une différence importante avec les volumes précédents : dans ce celui-ci, ce sont grosso modo quatorze collaborations qui sont rassemblées, quatorze textes parmi les nombreux qu’Ellison écrivit à quatre mains avec un (plus ou moins) grand nom de l’Imaginaire de son temps. Comme il est de coutume chez l’auteur, après une introduction générale, chacun des textes est pré­cédé d’une introduction particulière parfois assez longue qui décrit ses conditions de réalisation, autrement dit : comment deux auteurs se connurent et devinrent amis ou pas, comment ils décidèrent d’écrire ensemble, comment ils le firent, quelles difficultés ils rencontrèrent, quel délai sé­para l’idée de la réalisation, selon quelle alternance (ici, Ellison est précis à la phrase près) les passages furent-ils rédigés et par qui. Ces prolégomènes sont passionnants car ils permettent au lecteur de soulever le voile et d’aller en coulisses, là où écrivent les auteurs et là aussi où ils ne font pas qu’écrire. Résultat : un re­cueil de textes de qualité iné­gale (comme dans tout recueil) mais dont chaque introduction est intéressante.

Revue rapide.

« Je vois un homme assis dans un fauteuil, et le fauteuil lui mord la jambe », écrit avec Robert Sheckley, est un petit bijou de nonsense SF post-apo sur une très étrange histoire d’amour. On pourrait la résumer en citant deux fragments de sagesse populaire : « La roue tourne » et « Ce qui se passe à Las Vegas reste à Las Vegas ». « Flic de Fer », écrit avec Ben Bova, se pose la question du remplacement de l’humain par des robots (aujourd’hui des IA). Quand le Robocop flambant neuf se révèle mauvais policier, il prouve par ses limitations que l’humain est irremplaçable dans toute activité qui demande expérience et intuition, et Ellison, lui, qu’il peut aller, pour les besoins de son histoire, contre son aversion des flics — encore un point qu’il gagne contre nombre d’auteurs contemporains. Suivent deux textes liés car le second est la suite du premier (le premier lui-même étant la suite d’un texte antérieur de 1943). Explication : en 1943, Robert Bloch publie une courte nouvelle qui fait du bruit, « Votre dévoué Jack l’Éventreur », un texte à chute réussi qui imagine que Jack l’Éventreur a continué à sévir de par le monde des dé­cennies après avoir arrêté de tuer à Londres. Ce texte n’est pas dans le présent recueil, mais Ellison le connaissait et l’appréciait. En 1966, à la demande de ce dernier, Bloch écrivit pour l’anthologie Dangereuses Visions une suite au texte précédent intitulée « Un Jouet pour Juliette ». Encore un texte à chute, délicieusement sadique, situé très loin dans l’avenir, non loin de la fin de l’humanité. Quelques années plus tard, Ellison écrira, avec l’autorisation de Bloch, la suite du précédent qu’il intitulera « Le Rodeur dans la cité à la lisière du monde », un texte qui n’est pas seulement une réplique dans une conversation littéraire, mais aussi une réflexion glaçante sur la nature humaine et la capacité jamais démentie de notre espèce à faire le mal. Ainsi, dans La Chanson du zombie trouve-t-on donc la préface explicative de tout ceci, suivi d’« Un Jouet pour Juliette », puis de « Le Rôdeur dans la cité à la lisière du monde », l’ensemble formant un assortiment d’une cruauté rare, peut-être le meilleur du recueil. « Panique au village », avec Avram Davidson, a peut-être fait mourir de rire les Américains qui fréquentaient, éberlués, Greenwich Village dans les sixties ; elle tombe à plat aujourd’hui. « Le Jeteur de sorts », écrit avec Theodore Sturgeon, est une perturbante histoire d’horreur post-apo’ dans laquelle un jeteur de sort imprudent est manipulé depuis bien avant sa nais­sance pour provoquer l’apocalypse. « Rodney Parish à votre service », en collaboration avec Joe Hensley, dit combien il est facile de tuer, a fortiori pour de l’argent. Suit « Histoire de Kong », une série de croquis humoristiques (!) représentant King Kong faits par William Rotsler et légendés par Ellison ; qu’ajouter ? Puis, l’une des histoires les plus connues, « Les Opérateurs humains », avec A. E. van Vogt ; SF de terreur dans laquelle des vaisseaux conscients (bien avant les sentients de Peter F. Hamilton) se débarrassent de leurs opérateurs humains, sauf un par nef, qu’ils gardent en esclavage. Mais, le temps passant, tout n’évoluera pas pas comme prévu pour les IA ayant tourné casaque. Une histoire adaptée deux fois à la télévision. Avec Henry Slesar, Ellison écrit « Survivant numéro un », une pochade SF dans laquelle le statut matri­monial d’un type lambda détermine le salut de l’humanité — quoique… Concernant « Du pouvoir des clous », avec Samuel R. Delany : on peut trouver mieux chez l’un comme chez l’autre, Ellison lui-même le concède. « L’Oiseau-miracle », avec Algis Budrys, raconte l’attente déçue d’un spectacle extraterrestre qui prend des allures de visitation religieuse — dans la même veine, Jack Vance écrivit Space opera ; toute une époque. « La Chanson du zombie », avec Robert Silverberg, raconte une histoire de mort-vivant jouant pour l’éternité le même concert devant une foule venue assister au prodige ; un texte inspiré par un auteur réel qui n’était plus que l’ombre de lui-même. « Scène de rue », une collaboration avec Keith Laumer, fait s’écraser un ptéranodon au beau milieu d’une New York où plus rien n’étonne personne, un texte amusant qui a deux fins par suite d’un désaccord entre les auteurs ; les deux sont four­nies ici — celle d’Ellison est incontestablement meilleure. Enfin, « Viens à moi, non dans la blancheur de l’hiver » est un récit à l’eau de rose (dixit Zelazny) infiniment trop dou­ce ; mais Ellison est content d’avoir réussi, pour une fois, à éviter le cynisme, alors qui sommes-nous pour critiquer ?

Varié et inégal, La Chan­son du zombie est un recueil qui, comme ses semblables, vaut autant par ses préfaces que par ses textes.

 

 

 

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