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Frankenstein à Bagdad

Pas tous les jours qu’on lit de la « SF » de langue arabe… On ne saluera que davantage la traduction par Piranha de ce roman de l’Irakien Ahmed Saadawi, International Prize for Arabic Fiction 2014.

Frankenstein, ici, n’est pas le savant fou, mais sa créature. Ce nom ne lui est attribué que par facilité journalistique ; d’autres appellations sont autrement fréquentes, surtout « Sans-Nom » et « Trucmuche », selon que l’on souhaite dramatiser la chose ou pas.

Or nous sommes à Bagdad, en 2005, dans la foulée de la dernière guerre du Golfe – ville en proie au chaos, où les attentats terroristes sont quotidiens. Elle devrait être invivable, et pourtant ne l’est pas. Car vivre à Bagdad, c’est alors avoir la mort pour compagne, qui peut frapper à tout moment ; le foyer lui-même n’a rien d’un havre de paix… Mais des gens demeurent – malgré tout. Parce que c’est chez eux.

Ainsi dans le quartier de Batawin, pittoresque, mais authentique. Parmi eux, la vieille Elushia, qui attend en priant saint Georges le Grand-Martyr que lui revienne son fils Daniel – disparu vingt ans plus tôt, dans une autre guerre… Ou encore Hadi le chiffonnier – conteur hors pair et canaille, dont les histoires sont toujours plus invraisemblables. Sa dernière lubie : prélever sur les scènes d’attentat, ici un organe, là un autre, et assembler tout cela pour reconstituer un corps – mais, un jour, le cadavre reconstitué disparaît…

C’est qu’une âme de victime passait par-là – qui confère au corps une motivation, à laquelle Elishua participe : le « Trucmuche » de Hadi sera un ange de la vengeance – il obtiendra réparation dans le sang pour les innocents qui le constituent. Et le « tueur en série », même au milieu des attentats, intrigue et attire l’attention – celle du journaliste Mahmoud al-Sawadi, ou celle de la brigade d’astrologues de Majid Sourour… Mais il y a autre chose : les vengeances n’ont pas de fin. Chaque mort réclame d’autres morts – et faire la part des innocents et des assassins s’avère de plus en plus difficile… Surtout quand des « fidèles », autour du « Sans-Nom », reproduisent les divisions religieuses minant l’Irak sur le mode d’une sinistre caricature.

Le fantastique a sans doute ici quelque chose d’un prétexte – mais par choix. La focalisation sur les habitants du quartier de Batawin est pertinente et plutôt bien employée. Toutefois, certains personnages sont amenés à exposer le récit dans un cadre plus vaste et complexe – ainsi notamment de Mahmoud, celui qui « légitime » les élucubrations de Hadi.

Mais la focalisation soulève d’autres difficultés : les points de vue multiples, et le jeu temporel qui leur est associé, ont bientôt quelque chose d’une affectation un brin lassante – l’auteur tend à s’y perdre, et à y perdre son lecteur, au fil de sous-intrigues intimes parfois pénibles. Ces défauts sont tout particulièrement criants quand l’auteur en prend soudainement le contrepied, en laissant son « Sans-Nom » s’exprimer à la première personne : un chapitre tout à fait brillant – de très loin sans doute le meilleur moment du roman, ce qui n’est pas sans déstabiliser…

Pour autant, Frankenstein à Bagdad se lit dans l’ensemble avec plaisir – c’est plutôt un bon roman ; simplement, il a ses failles.

L'Anaconda

À maints égards, l’Anglais M.G. Lewis est l’homme d’un seul livre, le roman gothique Le Moine, dont le succès a été tel qu’il y a gagné le surnom de « Monk Lewis »… On lui doit pourtant d’autres œuvres, parmi lesquelles un recueil intitulé Romantic Tales, en 1808. C’est de ce recueil qu’est extrait le présent texte, jamais réédité en France depuis 1822. Les éditions Finitude nous le livrent aujourd’hui dans un petit ouvrage fort joli (mais sans doute un peu cher…), bénéficiant d’une nouvelle traduction.

Le mot même d’« anaconda » figurait alors encore plus qu’aujourd’hui une incarnation ultime de l’exotisme, avec des oripeaux de légende. On le connaissait fort mal, à vrai dire… Et le cadre même du récit témoigne de ces hésitations : en fait, il n’y a pas d’anacondas à Ceylan… Mais les confusions en la matière ont eu la vie dure. Et peu importe : il s’agissait de dépayser le lecteur, et de lui procurer de délicieux frissons pouvant emprunter à la manière gothique, tout en bénéficiant d’un cadre autrement exotique que la vieille Europe des « romans noirs ». Pourquoi pas ? Que Lewis n’ait (alors) jamais mis les pieds à Ceylan n’était en rien un problème – à tout prendre, ses lecteurs non plus…

De toute façon, il s’amuse… C’est tout particulièrement sensible dans les premières pages où, bien loin de Ceylan, nous débutons l’histoire dans un salon anglais feutré et élégant. Introduction qui ne manque pas d’humour, et la satire sociale est de la partie, qui s’exprime à plein dans ce cercle avide de ragots scabreux… tout droits sortis de l’imagination de quelque romancier gothique ! On y jase sur la très suspecte fortune que le jeune Everard Brooke a soudainement acquise lors d’un séjour à Ceylan… Cela va très loin : on l’accuse bientôt de meurtre ! Or c’est bien du futur mariage du jeune homme que l’on débat – oserait-on livrer sa fille à pareil monstre ? La suspicion s’accroît, et « l’aventurier » est sommé de s’expliquer…

Scandalisé, il entend dénoncer la perfide rumeur ! Mais son récit est pour le moins inattendu, impliquant donc le fameux serpent géant… Le rapport paraît lointain, c’est peu dire ; mais Everard explique comment la demeure où il résidait a subi les assauts d’un de ces redoutables reptiles mangeurs d’hommes – la créature assiégeant le maître de maison, Everard, n’écoutant que son courage, et accompagné du dévoué esclave indien dudit, vole au secours du vieil homme…

L’anaconda décrit par Lewis est certes monstrueux – pour autant, il n’a en fait rien de surnaturel. Nul fantastique ici ; l’anaconda de Lewis n’a rien d’un King Kong, il évoque bien davantage, en lointain précurseur, le requin des Dents de la Mer

Étonnant contraste avec l’introduction salonarde – on n’y revient que pour une brève conclusion, aussi convenue que vous pouvez le supposer. Le mélange de satire sociale et d’aventure coloniale imprégnée d’horreur n’est sans doute pas d’une cohérence à toute épreuve, mais le résultat est plaisant. L’ouvrage étant par ailleurs assez joli, avec son papier épais et sa noire frise reptilienne reprise à chaque page, on pourra y trouver son compte. Mais si c’est plaisant, c’est tout de même fort dispensable – une sympathique curiosité, disons.

La Ligue des héros

Publiés en 2002 et en 2003, les deux volumes de La Ligue des héros avaient été déjà réédités en 2009 sous le titre Kraven. Après un passage en poche, Mnémos continue à célébrer ses vingt ans en nous proposant une édition définitive – avec un format identique à ce que propose désormais Mnémos pour ses intégrales : jaquette, couverture cartonnée, beau papier. Outre les deux volumes de la série, nous retrouvons les articles écrits par des auteurs invités, les préfaces, les citations et les commentaires érudits, jusqu’à l’illustration de Manchu. Les lecteurs ont à leur disposition l’ensemble des textes qui permettent de prolonger à l’envi le jeu littéraire de La Ligue des héros. Cerise sur le gâteau, deux excellentes nouvelles, « Il était reveneure », et « Raven K. », n’ont pas été oubliées et complètent l’ensemble.

Le plat est copieux et particulièrement roboratif. Nul ne s’en plaindra. Disons-le tout de go, La Ligue des héros et sa suite constituent une date dans l’histoire du steampunk francophone, mais aussi une étape significative dans l’évolution de l’œuvre de Xavier Mauméjean.

Pour mémoire, plaçons le décor du premier tome. Tout d’abord en 1969, à Londres, un vieillard en apparence sénile est ramené par les services sociaux dans sa famille. L’homme dérange et il le sait. Il ne veut pas être là. Jusqu’à ce qu’il découvre la collection de pulps de son petit-fils et qu’un déclic se produise en lui. Ensuite en 1902, à Londres toujours, mais un Londres uchronique. La reine Victoria a établi des relations diplomatiques avec les habitants du Pays de Nulle Part, dont le Capitaine Crochet est un des officiels. Mais cela a eu bien des répercussions. Les fées, les enfants perdus, les pirates sont désormais sur Terre… et le terrible Peter Pan aussi ! Afin de protéger l’Empire, Baycroft, chef des Services Secrets, a décidé de réunir une troupe d’élite, La Ligue des Héros, Lord Kraven, English Bob, le Maître des Détectives ou encore Lord Africa ! Malheureusement leur force est rapidement détournée par les pouvoirs en place de leur noble but initial et grâce à eux, à cause d’eux, la dystopie pointe.

Sous la tutelle d’Alan Moore et de sa Ligue des gentlemen extraordinaire, Xavier Mauméjean convoque Verne et Wells, Sherlock Holmes, Alan Quatermain et Tarzan. Que l’on se comprenne bien : Mauméjean ne fait pas une bête variation sur le chef-d’œuvre de Moore. Il s’approprie le matériau d’une façon très personnelle et l’exploite avec une rigueur assez jouissive. Les scènes d’actions sont formidables, le travail sur la structure ambitieux (surtout dans le premier volume), la démarche franchement épatante. La juxtaposition des deux romans avec les nouvelles qui les continuent permet justement de mieux comprendre le projet et l’ampleur de sa réussite. Après, libre à vous de discuter pour savoir lequel des deux tomes est le meilleur, de pinailler sur les défauts croisés çà et là, mais vous ne pourrez nier avoir vécu une belle aventure littéraire.

L'Île des morts

Qui dit Roger Zelazny pense souvent en premier – et peut-être seulement – à sa longue saga des « Princes d’Ambre ». Voici par conséquent l’occasion de (re)découvrir dans une édition intégrale l’univers si particulier de Francis Sandow. Quel plaisir de retrouver la voix unique de Zelazny et son mélange si personnel d’élégance et d’érudition – ce qui est peut-être une belle définition du style.

Le livre adopte le même format et la même fabrication que les autres intégrales publiées par l’éditeur : couverture rigide, reliure solide, beau papier. Le volume est composé de deux courts romans, L’Île des morts, et Le Sérum de la déesse bleue, ainsi que de nouvelles dont on ne résiste pas au plaisir de citer les titres, « En cet instant de la tempête », « Cette montagne mortelle », « Lugubre lumière », « Les Furies » et « Clefs pour décembre ».

Ce qui fait la valeur d’une telle intégrale, ce n’est pas la seule compilation, aussi pertinente soit-elle. Mais au contraire le travail éditorial qui regroupe les textes éparpillés, auquel s’ajoute une très éclairante préface de Timothée Rey (dont la lecture en guise de postface est peut-être plus profitable), et un épais glossaire final. Autrement dit, le lecteur en a pour son argent avec un recueil qui se veut définitif.

Le choix de placer les textes dans l’ordre chronologique de la narration et non pas de leurs publications est également des plus pertinent. L’ensemble fait sens dans la mesure où ils se répondent, constituant autant de fragments d’une histoire du futur. L’esthétique du fragment est d’ailleurs celle qui domine ici. Nous sommes toujours à la lisière de la compréhension, témoins d’un monde dont les tenants et les aboutissants nous échappent, avec l’impression qu’il serait toujours possible d’en apprendre un petit peu plus.

Le personnage de Francis Sandow n’apparaît que dans le troisième texte du recueil, la novella éponyme. Il est le dernier humain, il est richissime et surtout un Faiseur de mondes, il peut façonner la réalité pour créer des mondes à sa guise. Il est aussi un dieu incarné : Shimbo de l’Arbre Noir. Or il ne cesse de recevoir des photos de personnes décédées qu’il a autrefois connues. Il part donc mener son enquête qui se révèlera progressivement être une quête.

L’expérience de la lecture dépasse et détruit par bien des aspects les codes du récit d’aventures auquel ce résumé pourrait laisser penser. Roger Zelazny est un conteur hors pair et passé les premiers textes, le processus d’immersion fonctionne à plein. La fresque baroque du Sérum de la déesse bleue est à ce titre exemplaire. Zelazny sait tour à tour être poète et visionnaire, avec une belle maîtrise de l’économie de moyens de la forme courte. Dans ce qui constitue un petit classique, il mène ses lecteurs aux confins de l’univers pour y trouver la beauté des questions existentielles, celles dont seuls les mythes ont la clé.

Miss Peregrine et les enfants particuliers

Oubliez immédiatement le film grand public de Tim Burton. Lisez plutôt la véritable histoire de Miss Peregrine et les enfants particuliers. Loin de l’univers coloré dans lequel ont voulu nous perdre les studios hollywoodiens, les romans nous plongent dans une noirceur digne des nouvelles d’Edgar Allan Poe. Dès le premier tome, le ton est donné : Jacob, seize ans, est témoin de l’assassinat de son grand-père. Luttant entre doutes et folie, essayant de comprendre les souvenirs flous et incohérents de cette nuit-là, qui ne peuvent correspondre à une réalité acceptée par le commun des mortels, l’adolescent est entraîné dans une quête qui le mène directement dans les contes fantasmagoriques autrefois racontés par le vieil homme.

Certes, au premier abord, cela ressemble à tout récit initiatique fantastique typique de la littérature jeunesse. Mais sous cette apparente facilité se cache un scénario complexe qui emprunte aussi bien au fantastique hétéroclite de Neil Gaiman qu’aux grands topoï de science-fiction. Tout au long des trois tomes, Jacob erre avec ses nouveaux amis – des enfants aux pouvoirs si particuliers qu’ils en sont plus maudits que privilégiés – à la poursuite de chimères insaisissables. Voyages et boucles temporels dans les moments sombres de l’Histoire, expériences sur cobayes humains, tentative de régime totalitaire, sans oublier des monstres dignes des cauchemars des frères Grimm, une violence qui s’enracine dans l’horreur humaine parfois si réelle… tout est calibré pour captiver l’amateur de littératures de genre, et ça fonctionne. La plume, quant à elle, s’épanouit, riche et précise, et peint avec une efficacité imparable des mondes qu’il est impossible de quitter avant la dernière page du dernier tome. Loin de cibler les jeunes lecteurs, elle s’adresse à tous et témoigne d’une belle maîtrise stylistique.

Alors oui, la trilogie est classée en « jeunesse » en France, oui, ce n’est peut-être pas l’endroit où vous iriez rassasier votre soif inextinguible d’histoires différentes, mais exceptionnellement, faites un détour. Car si Ransom Riggs a réussi à imposer son coup d’essai dans la liste si prisée des best-sellers internationaux, au-delà du succès commercial, ce triptyque possède tout ce qu’il faut pour devenir un grand classique de la littérature pour jeunes adultes – dénomination ô combien réductrice –, et surtout un incontournable de la littérature fantastique. Quelle pression, après un tel succès ! L’auteur réussira-t-il à nous surprendre encore, ou sombrera-t-il, comme beaucoup, dans les limbes de la facilité ? À surveiller de près, quoi qu’il en soit, en « jeunesse » comme en « adulte ».

Conte de la plaine et des bois

Dans une aube brumeuse, un vieil homme encore en pyjama de flanelle, à peine réchauffé d’un manteau et d’un chapeau noirs, sort de son rêve et de son château après avoir entendu un chien aboyer au loin. Son premier compagnon, croit-il, mort depuis soixante-sept ans, et qui l’appelle de nouveau. Autrefois dessinateur, puis grand patron de studio de dessins animés mondialement connu, l’homme se laisse entraîner par les aboiements et s’aventure dans les bois bordant son immense domaine. Après avoir erré de branches en buissons, de flaques en feuilles mortes, il rencontre sous l’une d’entre elles un jeune garçon et un chien très âgé. Les rêveries du promeneur solitaire se transforment alors en une balade bucolique, initiatique, parfois mélancolique, où les souvenirs d’enfances de l’un font face aux espérances de l’autre. Les histoires se racontent et se mêlent, l’innocence guidant avec bienveillance les détours des trois personnages en « une course infinie après l’ombre d’un rêve ».

Amateurs de romans de science-fiction et de grandes fresques fantastiques s’abstenir ! Dans ce court récit, l’intrigue n’est qu’esquissée, seules comptent les rencontres. Avec les joies et les regrets, avec soi-même. Tout en répondant au genre du nature writing, le pinceau-plume de Jean-Claude Marguerite (qu’on retrouve ici, six ans après son premier roman, Le Vaisseau ardent, paru chez Denoël) brosse avec une tendresse lucide et une délicatesse toute ciselée, parfois proche du poème en prose, la recherche d’un temps perdu, la nostalgie d’une innocence égarée. Les hommages sont nombreux, que ce soit aux livres qui bercent les imaginaires enfantins ou à ceux qui accompagnent les adultes contemplatifs (Bosco, Whitman, Thoreau et Rousseau ne sont pas loin). Tel Charles Foster Kane murmurant son dernier « rosebud », le vieil homme évoque ici sa vie : son premier deuil, ce chien perdu de façon violente, son refuge dans ses dessins, aventures d’un jeune écureuil et d’un vieux crapaud, ses succès, et puis… la vie qui passe, qui s’accélère, pour conduire à cette journée si particulière. Le Merveilleux est là, à portée de main, Dehors. Il se pressent dans les bruissements des feuilles et de la rivière, dans le chant d’une nature actrice à part entière, dans des esquisses de paysages oniriques. Le fantastique aussi, se laisse deviner, par touches impressionnistes. Et le lecteur de se demander qui est qui quand les frontières se troublent dans la nuit de l’esprit… Personnages à part entière, rencontres au fil des mots, ou symboles d’une même vie qui se dévoile, vibrante et polymorphe, alors même qu’elle s’évade vers sa fin et vers les étoiles ?

Invitation à se perdre, et à se laisser porter par les sensations plutôt que par une histoire structurée, ce texte allégorique nous rappelle que la plus grande aventure reste la vie, dont le sens ne cesse de se défiler, même à l’heure où la nuit tombe. Une belle promenade douce-amère, donc, mais qui pourrait bien déplaire tant elle s’éloigne des genres habituellement chroniqués ici.

Afterparty chez Yossarian

« Bref, bien loin de la simple formule marxiste “l’opium du peuple”, Afterparty multiplie à la cadence d’un fusil-mitrailleur les pistes de réflexion, les hypothèses stimulantes et les saillies iconoclastes. C’est sans doute son plus grand intérêt. » Yossarian - sous les galets la page…

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