42
Publié le
Il serait tentant de saluer ce recueil pour son caractère méritant : son aspect professionnel, ses auteurs parfois peu connus, son souci du détail (présentations des textes, illustrations intérieures, couverture faussement pulp). Ce serait condescendant.
Deux préfaciers ouvrent le ban. Gérard Klein déplore la désaffection du grand public pour la nouvelle et la SF, mais loue les efforts de divers éditeurs, dont un que la modestie interdit de citer ici ; Xavier Mauméjean présente les textes avec l’acuité et la culture qu’on lui connaît. En postface, Jeanne A. Debats décrit la genèse du projet et tente, geste vain donc élégant, de définir la science-fiction.
Le plat de résistance, ce sont quinze nouvelles. Sylvie Denis met en scène dans « Sans but ni fin », un des meilleurs textes, deux jeunes que tout devrait opposer, mais que réunit le projet de se joindre à un convoi stellaire. Anthony Boulanger propose une uchronie mystique et glaçante, « Le dernier Ptolémée », où Pharaon enquête sur la venue des dieux au sein de l’équipage d’un vaisseau spatial happé par une anomalie. Sylvie Lainé offre « Melomania », clin d’œil à Maurice Renard. Michel Ferret joue les gonzos avec « Strange Days », dont la bande-son paraît sortie de ma discothèque mais dont l’imagerie décalée (les lézards à gros seins promis en quatrième de couverture) lui appartient. Sylvain Chambon, dans « Cul de sac », suit deux lignes narratives pour une parabole sur l’éthique du biohacking dans un futur où la misère n’est qu’un souvenir grâce à l’arrivée d’un alien en Tanzanie. Illustrateur de l’ouvrage, Olivier Cotte se tire non sans brio de l’exercice périlleux qu’est la SF humoristique, tendance Fredric Brown, avec « Prise en passant », traque au serial-killer E.T. dans Paris. Simon Bréan, qui s’est taillé une réputation d’essayiste, frappe un grand coup comme nouvelliste : l’ambitieux « Premier des citoyens » remet le cyberpunk à jour – enquête policière, dépaysement intérieur – avec ses réseaux sociaux engendrant des Pulsions. Timothée Rey se signale par la forme et la qualité de « Clandos », sa pièce de théâtre haletante, de l’anti-Banks aux sinistres accents d’actualité. Magali Couzigou retient l’attention avec « Nature humaine », portrait désabusé d’une activiste sûre de son bon droit face à la thérapie génique. Olivier Gechter conclut sur « La famine », une vision cynique de notre obsession pour l’hyper-connexion.
J’oublie dans cette énumération des textes brefs qui m’ont moins parlé, mais je n’ai rien lu de scandaleux. Modernes, soignés, les récits montrent une louable diversité d’inspirations et déjouent le reproche souvent adressé à la SF française d’être peu portée sur la science : l’influence de la biologie, notamment, enrichit le sommaire. 42 est au final une très belle anthologie dont la modestie – éditeur peu diffusé, textes non rémunérés – souligne la réussite.