Revenger
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Dans un futur très distant, les adolescentes restent des adolescentes. Adrana et Arafura (dite Fura) Ness faussent compagnie à leur père et à Paladin, leur robot-tueur, et embarquent comme « lectrices d’os » sur le vaisseau spatial d’un chasseur de reliques. Las, leurs chemins croiseront celui de la redoutable Bose Sennen. Séparées, les deux sœurs vont tout faire pour se retrouver, entrer dans l’âge adulte et, au fil du temps, découvrir la vérité derrière les différentes Occupations humaines qui se sont succédées. Avec la trilogie « Revenger », dont seul le premier volume, Vengeresse, a été traduit à ce jour, Alastair Reynolds s’essaye à un genre étonnant pour lui : la littérature jeunesse, et plus particulièrement celle qui vise le lectorat adolescent. Et il transforme avec brio l’essai pour donner à lire un space opera particulièrement enlevé.
Nous restons tout de même dans un univers de hard SF. Les vaisseaux spatiaux sont des voiliers solaires qui se déplacent entre les milliers de mondes de la Congrégation (ce qui reste, nous apprennent les volumes suivants, de notre Système solaire largement remanié et reconfiguré), mais où aucun n’est éloigné des autres de plus de 18 minutes/lumière, soit quelques semaines ou mois de voyage poussés par les vents solaires. Les éléments les plus surprenants, comme les Spectres ou les crânes utilisés pour la communication, s’expliquent soit par un décalage optique, soit par l’exploitation naturelle de certaines possibilités quantiques. Mais l’auteur s’y appesantit moins qu’à son habitude et laisse place à l’action.
Et il faut dire qu’au fil de trois beaux pavés oscillant entre 400 et 600 pages, les sœurs Ness ne vont pas s’ennuyer. Vengeresse consiste surtout en un récit de passage à l’âge adulte où Fura va devoir faire des choix difficiles pour retrouver sa sœur et subir les conséquences de ses décisions impulsives. Shadow Captain, raconté du point de vue d’Adrana, est une histoire de quête au trésor qui place Fura dans un rôle proche du capitaine Achab de Moby Dick. Quant au conclusif Bone Silence, il élargit encore les enjeux en ne proposant rien moins que la survie de l’espèce humaine et sa quête des origines. C’est d’ailleurs, malgré sa longueur, le tome le moins abouti des trois : l’alternance de point de vue entre les deux sœurs dilue l’action, notamment lors d’un abordage se voulant dramatique, mais qui tire à la ligne. Résultat, la résolution du mystère des qucoins et de l’origine des espèces extraterrestres est trop vite expédiée. On apprend qu’il se passe des choses au-delà de la Congrégation, et que les humains ne représentent qu’une valeur négligeable, puis on passe à la suite. Un peu court, jeune homme !
Malgré cette frustration, si vous aimez les récits de pirates avec des personnages hauts en couleur, si vous voulez rêver en découvrant une multitude d’habitats différents – comme les mondes-dentelles ! – bref, si vous avez soif d’un bon récit d’action, foncez sur « Revenger ». C’est une excellente introduction à l’univers d’Alastair Reynolds.