Destination Univers
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Les éditions Griffe d’Encre nous proposent avec Destination Univers une anthologie ayant pour thème le space opera. Au sommaire, huit récits, une postface et quelques fiches de présentation des anthologistes et de l’illustrateur, Alexandre Dainche, qui nous offre pour l’occasion une illustration assez réussie, en tout cas dans les canons du genre, même si le vert reste toujours un choix audacieux (la poisse, vade retro…). Space opera, donc, exercice difficile s’il en est puisque le genre est submergé de productions plus ou moins bonnes, en littérature comme au cinéma. On s’attend de fait au pire, surtout que la postface, qu’on aura lu en premier (!), affiche quelque chose de l’ordre de la simplicité, du joyeux, du tranquille, du cool… non mais ! Quelle honte, par les temps qui courent : pourriez pas faire comme tout le monde, baisser les yeux, courber l’échine et suivre la file jusqu’aux urnes ! Bon, pourquoi pas ? Alors on s’y colle… et là, c’est la bonne surprise, voire la très bonne, peut-être même de celle où l’on verra certains auteurs primés pour l’excellence du travail fourni… Eh oui ! Tout d’abord, le sommaire est équilibré, quatre auteurs plus ou moins confirmés (Anne Fakhouri, Thomas Geha, Laurent Genefort, Olivier Paquet), et quatre petits jeunes (Anthony Boulanger, Célia Deiana, Olivier Gechter, Aurélie Ligier). C’est pour le moins agréable de voir qu’un éditeur joue réellement le jeu d’ouvrir ses colonnes à de nouveaux talents. Et il ne s’y est pas trompé. Ensuite, parce que la qualité d’écriture est au rendez-vous pour chaque nouvelle, conférant à l’en-semble un niveau d’exigence assez rare. Enfin, parce que chaque thème abordé, sans être totalement révolutionnaire (pas simple d’être innovant dans le genre choisi), apporte au lecteur quelque chose de stimulant. Environnement, personnages, contextes, sujets pro-posés, idées… rien ne laisse indifférent. On ne se limite pas ici au sense of wonder, on a aussi droit à un peu de mécanique neuronale. Et franchement, docteur, ça fait du bien ! Thomas Geha, avec « Les Tiges », nous invite dans un monde post-humain où les hom-mes ne sont plus que des objets génétiquement modifiés au service de deux civilisations extraterrestres qui s’opposent. Un must. Anthony Boulanger, avec « Evaporation et sublimation », nous propose un voyage aux accents oniriques, poétiques et apocalyptiques à découvrir ; Célia Deiana, avec « Le Bal des méduses », nous révèle l’étrange rituel des enfants vogueurs ; Anne Fakhouri, avec son « Sleeping Beauty », livre une manière de western galactique réussi ; Olivier Gechter, avec « Le Gambit de Hunger », étonne par tant de sense of wonder et de jugeote (intrigue, contre- intrigue…) ; « Le Marathon des trois lunes », d’Aurélie Ligier, résonne de l’empreinte de Stephen King ; Laurent Genefort nous propose avec ses « Dieux bruyants » un récit ciselé ; et pour finir, Olivier Paquet, avec son « Khan Mergen », nous offre une mise en bouche prometteuse d’un roman à paraitre aux éditions l’Atalante, Le Melkine. N’en jetons plus, la coupe est pleine. En Bifrosty, quand on n’aime pas, on le dit, et quand on aime, on le dit aussi, haut et fort. Destination Univers est une anthologie cent pour cent française à ranger tout près des meilleures : Genèses d’Ayerdhal ou Escales sur l’horizon de Serge Lehman. Point barre.