L'Empire des abysses (Vaisseau d'arcane Vol. 2)
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L’Empire des abysses est la seconde partie du diptyque « Vaisseau d’Arcane », après Les Hurleuses (Bifrost n° 101). Résumer les fondamentaux de ce deuxième roman sans gâcher au lecteur les retournements de situation de son prédécesseur n’est pas chose aisée, mais essayons tout de même (l’auteur rappelle d’ailleurs les événements précédents en introduction du présent opus, et ce sous la forme habile d’extraits de journaux) : aidée par la traîtrise d’un des personnages, une puissance étrangère a conquis le Grimmark. Seule une Rébellion, qui a enregistré quelques beaux succès, mais aussi de sanglants revers, s’oppose à l’Occupant, ainsi qu’un port qui, en accueillant une escadre de la Flotte avant la capitulation, a pu préserver son indépendance. Simple bourgade de province, Skemma est ainsi devenue une épine dans le pied de la nouvelle administration, mobilisant la moitié de l’armée, ravitaillée en armes, nourriture et volontaires par la moitié du monde connu (une situation rappelant celle de l’Ukraine). Un an après les péripéties narrées dans Les Hurleuses, les protagonistes vont tenter de libérer leur pays tout en empêchant le conquérant de s’emparer de ce qu’il est réellement venu chercher, ce qui aurait des conséquences désastreuses.
Adrien Tomas, à l’image de nombreux auteurs français, est ulcéré par la corruption gouvernementale, le contrôle policier, le capitalisme débridé, et il ressent le besoin de l’exprimer dans un livre. Ce qui le démarque de la plupart de ses camarades, c’est son talent pour la nuance et la subtilité, sa propension à ne pas mettre toute une corporation dans le même sac, et peut-être, surtout, le fait qu’il n’oublie jamais qu’il écrit un roman, pas un manifeste politique, et ne négligeant pas plus l’intrigue que les personnages, et encore moins le monde dans lequel l’ensemble s’inscrit. Ce second volet confirme toutes les qualités du premier et les accentue encore, notamment en décrivant d’une façon remarquable l’origine de la magie. Le récit fait par l’Arcane, qui donne son nom au cycle, est magistral, générateur d’un véritable sense of wonder comme on n’en voit habituellement que dans la meilleure… SF, celle des plus grands maîtres. On soulignera aussi la fascinante évolution, psychologique ou autre, de certains personnages – Sof, en premier lieu. Le seul point qui pourra potentiellement gêner certains lecteurs sera le nombre très élevé de points de vue (une douzaine), surtout pour un roman d’à peine 300 pages.
L’Empire des abysses achève en beauté le splendide diptyque « Vaisseau d’Arcane », prouvant une fois de plus qu’en matière de fantasy industrielle, les français n’ont de leçon à recevoir de personne.