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Du plus loin qu’il m’en souvienne, je me rendais dans la maison jaune pour le compte de ma mère. Chaque mercredi matin vers neuf heures, j’ouvrais cette bâtisse défraichie avec une clé du trousseau qu’elle m’avait confié. A l’intérieur, il y avait un vestibule et deux portes, dont l’une, enfoncée, donnait sur un escalier branlant. Je déverrouillais l’autre et j’entrais dans l’appartement obscur. Le corridor, au lustre toujours éteint, sentait l’humidité et la vieillesse. Jamais je n’ai effectué ne serait-ce que deux pas dans ce petit couloir où la moisissure se mêlait aux ombres et qui semblait disparaître un peu plus loin. Comme la porte de la chambre de Mrs. Miller se trouvait juste devant moi, je me contentais de me pencher et de frapper au battant…
China Miéville
Les Détails
Regarnis la pipe. Si je dois raconter cette histoire comme il faut, j’aurai besoin de son aide. C’est bien. Non, inutile de rajouter une bûche dans le feu. Laisse-le mourir. Il y a pire que l’obscurité.
Ecoute la taverne grincer et gémir dans son sommeil ! Ce ne sont que ses os et ses pierres qui se tassent, pourtant on jurerait entendre le plus esseulé des spectres. Il est tard. On a barré la porte, clos les portes à chaque bout du Pont.
Le feu dépérit. Dans le monde entier, il n’y a d’éveillés que toi et moi. Ce récit ne convient guère à des oreilles aussi jeunes que les tiennes, mais... Oh ! Pas de cet air renfrogné. Tu vas me faire rire, ce qui messied à ma triste histoire. Bon, voilà qui est mieux.
Rapprochons nos tabourets des braises, que je te dise tout...
Michael Swanwick
Le Récit du changelin
Revues - Bifrost - 100
La femme qui chevauchait comme un homme, jambes écartées de chaque côté de la selle, portait des bottes en cuir renforcé, des pantalons de cavalerie en daim, des vêtements de laine doublés de fourrure blanche. Sa main gauche était enfilée dans un gant d’archer, d’un vert très sombre, qui lui couvrait l’avant-bras jusqu’au coude. Dague et carquois encombraient sa ceinture et un grand arc à double courbure pointait dans son dos. Ses longs cheveux roux étaient rassemblés en une natte unique qui lui descendait jusqu’aux hanches. Tout en elle respirait l’opulence, la réussite. Elle savait gagner de l’argent et avait décidé de le montrer. Sans doute pour susciter le respect autour d’elle, voire la dévotion.
« Bonjour, étranger », dit-elle d’un ton moqueur ou pouvant passer pour tel.
Le regard bleu de cette femme semblait traverser Zeite sans vraiment s’y arrêter, comme une flèche ralentit à peine en trouant un drap. Observé ainsi, il se sentait plus creux et plus fragile que des os d’oiseaux…
Thomas Day
La Bête du loch Doine
Revues - Bifrost - 100
La femme qui chevauchait comme un homme, jambes écartées de chaque côté de la selle, portait des bottes en cuir renforcé, des pantalons de cavalerie en daim, des vêtements de laine doublés de fourrure blanche. Sa main gauche était enfilée dans un gant d’archer, d’un vert très sombre, qui lui couvrait l’avant-bras jusqu’au coude. Dague et carquois encombraient sa ceinture et un grand arc à double courbure pointait dans son dos. Ses longs cheveux roux étaient rassemblés en une natte unique qui lui descendait jusqu’aux hanches. Tout en elle respirait l’opulence, la réussite. Elle savait gagner de l’argent et avait décidé de le montrer. Sans doute pour susciter le respect autour d’elle, voire la dévotion.
« Bonjour, étranger », dit-elle d’un ton moqueur ou pouvant passer pour tel.
Le regard bleu de cette femme semblait traverser Zeite sans vraiment s’y arrêter, comme une flèche ralentit à peine en trouant un drap. Observé ainsi, il se sentait plus creux et plus fragile que des os d’oiseaux…
Thomas Day
La Bête du loch Doine
Revues - Bifrost - 101
« Des vampires, lâche Kevin. Ce sont tous les deux des vampires.
– Qui ça ? » je demande entre deux coups de dents dans la pomme. Kevin et moi étions perchés à six ou sept mètres au-dessus du sol, dans un arbre de son jardin. Nous avions construits là une grossière plate-forme qui se voulait une cabane à la Tarzan. Kevin avait dix ans, j'en avais neuf.
« Mr. Innis et Mr. Denofrio, m'assène Kevin. Ce sont tous les deux des vampires. »
Je lève le nez du Superman que j'étais en train de lire. « Ce sont pas des vampires, je lui fais. Ce sont des coiffeurs pour homme.
– Ouais. N'empêche que ce sont aussi des vampires. Je viens juste de m'en rendre compte. »
Dan Simmons
La barbe et les cheveux : deux morsures
Revues - Bifrost - 101
« Des vampires, lâche Kevin. Ce sont tous les deux des vampires.
– Qui ça ? » je demande entre deux coups de dents dans la pomme. Kevin et moi étions perchés à six ou sept mètres au-dessus du sol, dans un arbre de son jardin. Nous avions construits là une grossière plate-forme qui se voulait une cabane à la Tarzan. Kevin avait dix ans, j'en avais neuf.
« Mr. Innis et Mr. Denofrio, m'assène Kevin. Ce sont tous les deux des vampires. »
Je lève le nez du Superman que j'étais en train de lire. « Ce sont pas des vampires, je lui fais. Ce sont des coiffeurs pour homme.
– Ouais. N'empêche que ce sont aussi des vampires. Je viens juste de m'en rendre compte. »
Dan Simmons
La barbe et les cheveux : deux morsures
Revues - Bifrost - 102
Seules subsistaient la poussée démentielle de la chute, la mer, le ciel, la mer, tout près, le vent hurlant, pendant que l’avion tournoyait cul par-dessus tête et que les hommes cherchaient à s’extirper de leur harnais pour sauter par les trous des portières ou celui de l’aile arrachée. Coincé dans ce manège de cauchemar, Walt ne pensait qu’à une chose : il avait entendu dire que la mer était aussi dure que du béton quand on y tombait. Ça, et le fait qu’il ne voulait pas mourir. Ça, et la nécessité de la chance. Un instant d’apesanteur, des globules de sang flottant alentour — le corps du copilote transpercé par une lance de métal. Walt ne pouvait rien pour lui. Il s’était hissé sur l’immense hauteur de l’appareil désemparé en luttant contre une poussée dont le brusque gauchissement l’avait projeté vers l’ouverture béante. Ça ne l’avait pas empêché de rester coincé parmi les tuyaux tordus, quasi incapable de respirer, prisonnier des forces de la chute. Alors lui était venue la pensée — celle qui avait sans doute traversé l’esprit de milliers d’aviateurs dans des moments pareils — qu’il aurait donné n’importe quoi, absolument n’importe quoi pour leur échapper.
Pour que la chance ne l’abandonne pas…
Ian R. MacLeod
La Viandeuse
Revues - Bifrost - 102
Seules subsistaient la poussée démentielle de la chute, la mer, le ciel, la mer, tout près, le vent hurlant, pendant que l’avion tournoyait cul par-dessus tête et que les hommes cherchaient à s’extirper de leur harnais pour sauter par les trous des portières ou celui de l’aile arrachée. Coincé dans ce manège de cauchemar, Walt ne pensait qu’à une chose : il avait entendu dire que la mer était aussi dure que du béton quand on y tombait. Ça, et le fait qu’il ne voulait pas mourir. Ça, et la nécessité de la chance. Un instant d’apesanteur, des globules de sang flottant alentour — le corps du copilote transpercé par une lance de métal. Walt ne pouvait rien pour lui. Il s’était hissé sur l’immense hauteur de l’appareil désemparé en luttant contre une poussée dont le brusque gauchissement l’avait projeté vers l’ouverture béante. Ça ne l’avait pas empêché de rester coincé parmi les tuyaux tordus, quasi incapable de respirer, prisonnier des forces de la chute. Alors lui était venue la pensée — celle qui avait sans doute traversé l’esprit de milliers d’aviateurs dans des moments pareils — qu’il aurait donné n’importe quoi, absolument n’importe quoi pour leur échapper.
Pour que la chance ne l’abandonne pas…
Ian R. MacLeod
La Viandeuse
Revues - Bifrost - 103
Six jours avant qu’il n’y ait plus d’argent, Méduse se prit un bon coup de pied au cul d’Encelade. Les thermistances embarquées enregistrèrent un pic soudain — 80°, 90°, 120° —, que suivirent un soubresaut du fond marin et un violent choc latéral sur la sonde. Il y eut un flash lumineux. Un océan incroyablement bouillant. Un fond marin rocheux basculant comme une table renversée par un géant furieux.
Le canal se tut.
La télémétrie se propagea dans l’obscur océan alcalin. Des relais amarrés à la sous-croûte captèrent ces chuchotements, qu’ils amplifièrent et transmirent. Cent quatre-vingts kilomètres plus loin à l’horizon, Euryale — accrochée par en dessous à la glace comme une énorme balane métallique — sépara le signal du bruit et le fit remonter à Stheno par un câble qui traversait six kilomètres de croûte regelée. Les mains orientées en porte-voix vers l’horizon fracturé, Stheno cria en direction de la Terre.
Peter Watts
Test d’écho