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Catherine DUFOUR

Née en 1966 à Paris, Catherine Dufour est vendeuse de voitures à Drancy et de perles noires à Tahiti avant de se consacrer à la fabrication de bibliothèques numériques en Seine-Saint-Denis (93). Adepte de voyages en tout genre, États-Unis, Russie, Argentine et Tanzanie, elle pratique aussi les raves dans les catacombes et les free parties dans les squats d’Amsterdam. Ayant commencé à écrire à sept ans, elle attend d’avoir trente ans pour décider qu’elle a appris le métier. Elle jette tout ce qu’elle a écrit jusque-là et publie son premier roman, Blanche-neige et les lance-missiles, tome I de la série de fantasy humoristique « Quand les dieux buvaient ». Après cette trilogie en quatre volumes, Catherine Dufour sort Le Goût de l’immortalité, un roman de science-fiction qui reçoit de nombreux prix, suivi d’un recueil de nouvelles, L’Accroissement mathématique du plaisir, et d’un roman punk-fictif, Outrage et rébellion, aux éditions Denoël.

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L'Accroissement mathématique du plaisir

Le premier recueil de Catherine Dufour : vingts récits dont sept inédits !

 

« Il n'est guère surprenant que j'aie trouvé de vifs motifs d'intérêt et de plaisir dans des nouvelles comme "Vergiss mein nicht" et "L'Immaculée conception", qui mettent en scène, non sans jubilation, des relations divergentes d'événements dérangeants. De tels événements pourraient, bien entendu, apparaître dans des textes britanniques, mais je doute que leurs auteurs eussent manié l'équilibre de ces récits contradictoires sur un mode comparable. »

 

Brian Stableford

 

Science-fiction, fantastique et fantasy... Catherine Dufour aborde l'ensemble de ces domaines avec un égal bonheur et s'affirme ici comme une nouvelliste de tout premier plan.

 

Au programme :

- des préfaces signées Richard Comballot et Brian Stableford,

- vingt récits dont sept inédits,

- une postface de Catherine Dufour,

- un entretien,

- une bibliographie exhaustive.

 

Catherine Dufour est née à Paris en 1966. Elle publie son premier roman, Blanche Neige et les lance-missiles, en 2001, opus initial d'une tétralogie de fantasy goguenarde et délirante qui rencontre un succès considérable. Le Goût de l'immortalité, son premier roman de science-fiction, paraît en 2005. Nouveau succès, tant public que critique : le livre remporte peu ou prou l'ensemble des prix littéraires dédiés au genre — Grand Prix de l'Imaginaire, Prix Rosny Aîné, Prix Bob Morane, Grand Prix de la Science-Fiction Française...

 

L'accroissement mathématique du plaisir, qui réunit vingt nouvelles dont « L'Immaculée conception », lauréate du Grand Prix de l'Imaginaire 2008, est son premier recueil.

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Je ne suis pas une légende

A L’EPOQUE OU MALO rencontra son premier vampire, il frôlait la dépression.

Après deux ans de bons et loyaux services en tant que Life Time Value Manager chez Johnson & Johnson, une persistante absence de cravate doublée d’une regrettable propension à quitter le bureau en sifflotant sitôt son travail bouclé lui avait valu une mise au placard définitive. Dans les premières semaines de sa relégation, il essaya d’inverser la vapeur : il mit une cravate noire imprimée de petits ours rouges et passa de longues heures supplémentaires près de la machine à café.

Peine perdue.

Il était trop tard.

Beaucoup trop tard.

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Le Sourire cruel des trois petits cochons

ADELINE AVAIT TOUJOURS deux kilos à perdre, un travail à durée déterminée et des opinions bien arrêtées sur une douzaine de séries télévisées. En clair, c’était une fille terriblement banale, hors cette habitude, dont elle n’avait jamais réussi à se débarrasser, de s’endormir avec une grosse boîte à gâteaux vide serrée contre elle.

Elle parcourait ses rêves, la boîte sous le bras, et la ramenait emplie de brimborions oniriques. Une fois, c’était une canne sauteuse, une canne en bois noire ramassée dans un cauchemar idiot, qui sautillait tout le temps et qu’Adeline, à bout de patience, enterra nuitamment près d’un calvaire de Rostrenen (elle doit toujours y être). Une autre fois, c’était un bon litre d’eau de lac de fée, qu’Adeline avait mis en bouteille et posé sur sa table de nuit. On y voyait parfois passer le visage idiot d’une sirène ou le regard gélifié d’un noyé. Adeline conservait aussi une petite robe de perles de jais dans laquelle elle ne rentrait plus, un optique de feu rouge en plastique bleu, une poignée de sable dévoreur, un pot de miel impossible à vider, une plaque de rue émaillée « boulevard Higelin » et une paire de ciseaux en cuivre couverts de reflets d’yeux verts.

Ce dont Adeline rêvait, ou plus exactement ce qu’elle voulait et dont elle n’arrivait pas à rêver, ce qu’elle avait toujours cherché et jamais trouvé, c’était une baguette magique. Elle savait exactement quoi lui demander et dans quel ordre, tant elle avait passé d’heures à ordonner ses désirs. Elle la découvrit finalement, un matin de ses vingt-trois ans, alors qu’elle abordait le rivage amer du réveil après un voyage au bout de la mer infinie — là où la mer se recourbe, quand l’île que vous devez bientôt aborder se trouve juste au-dessus de votre tête, verte et noire dans son lagon d’eau claire, et que des fruits en tombent pour rebondir sur le pont de votre bateau… La baguette était là, dans la brume épaisse des frontières du rêve, plus fine qu’un cheveu, intermittente. Adeline tendit la main, referma sa boîte et se réveilla.

Elle souleva doucement le couvercle : la baguette y était toujours.

 

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L'Immaculée Conception

Pour la première fois de sa vie, Claude se regardait vraiment dans sa glace. Sous le néon de la salle de bains, son reflet grumeleux de boutons lui adressait un regard fixe de poisson mort qui ne lui apprenait rien. Elle aurait pourtant bien voulu savoir comment elle se sentait. À force de fixer ce visage aussi immobile qu’une flaque de dentifrice, une baudruche d’angoisse commença à gonfler dans sa gorge. Elle se détourna du miroir, prit sa brosse à dents, la considéra : ce n’était pas l’heure de se brosser les dents. Elle reposa sa brosse. Elle se massa la nuque, sonnée comme la fois où une collègue pressée lui avait donné, en passant, un coup de listing. Elle posa la main sur son ventre puis la retira brusquement, et resta dix secondes à regarder sa main, organe étrange capable de commettre un geste aussi… aussi… La baudruche enflait. Claude s’assit au bord du lit, aussi pesante qu’un sac de plâtre. Puis elle se leva et alla boire un verre d’eau. La voix du Docteur résonnait dans les coins du studio :

« Ça arrive, Docteur, qu’on ait des enfants… euh, sans… enfin, sans être allé avec un homme ? »

Rire pointu.

« C’est arrivé une fois, oui. Il y a 2000 ans. Pourquoi ? Vous nous faites une immaculée conception ? »

Rire pointu.

 

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Vergiss mein nicht

L’IEPT (Institut d’Etudes Polyvalent du Trident) est un préfabriqué provisoire depuis vingt ans, auquel quelque architecte fou ou ivre a donné la forme d’un cancer généralisé. Cette monstrueuse tumeur de béton répand ses métastases au bord du canal Vieux Baiser, crachant ses élèves par trois sorties : l’une, côté sud, dégringole jusqu’à la nationale, l’autre, côté est, mène à un puits de boue pompeusement nommé stade, et la troisième, plein nord, à la cité universitaire. Il devrait y en avoir une à l’ouest, mais c’est là que passe le canal. Qu’aucune sortie ne donne sur cet égout est la seule preuve de l’intervention d’un cerveau raisonnablement pensant dans la conception de l’IEPT.

La ZI du Trident prolifère sur dix kilomètres autour de l’Institut, jusqu’à la ville de Haussun Sassey ; on la voit de loin, à cause de son dôme de smog. Quand on arrive des hauteurs d’Haussun, et pour peu qu’il fasse beau, la vue est d’une splendeur martienne : les infrastructures des usines étincellent au fond de la brume délétère, les tuyères luisent comme des anguilles, le dos rond des hangars ruisselle de soleil.

Vu de près, c’est moins gracieux.

Tout l’IEPT rêve de mettre la main sur le type qui a ainsi appliqué à la lettre l’idée pleine d’esprit de rapprocher le monde universitaire de celui de l’entreprise. Lui mettre la main dessus et ensuite, lui faire prendre un bain dans le canal. C’est un fantasme sadique, car Vieux Baiser charrie l’intégralité des déchets industriels du Trident plus une bonne partie des déchets domestiques de Haussun Sassey. Un centre de traitement des eaux usées est censé intervenir quelque part en amont, mais ce sont des rumeurs peu dignes de foi.

A hauteur de l’IEPT, on a installé le long du canal un grillage protecteur que les émanations acides ont depuis longtemps réduit en loques. Les panneaux « Baignade interdite » ont fait rire des générations d’étudiants : la mousse qui recouvre Vieux Baiser, nuancée depuis le jaune pisse jusqu’au vert morve et secouée de brusques remontées de gaz, donne envie de vomir, de fuir ou d’éteindre sa clope mais jamais — jamais — de nager.

Tout ça n’empêche pas l’IEPT d’être « une bonne université remplie de bons profs avec du bon matos ». Je me récitais cette devise quand je sentais la foi me quitter, et chaque fois je faisais un petit bâton sur un petit carnet. Dès que j’avais une pleine page de petits bâtons, je sautais dans mon cendrier roulant, une R5 en ruine, et filais vers Hauss boire un peu d’oxygène et beaucoup de bière dans un bar downtown. Ceci mis à part, j’étais une thésarde modèle, passant un tiers de mon temps en amphi, un tiers à dormir dans une cellule tapissée de posters des Editions du Désastre, et le troisième tiers à me préoccuper du matériel : refouler les resquilleurs dans la queue du restau U, trier la viande du gras, boucher les trous dans la porte des chiottes avec du PQ pour pisser en paix et tabasser la photocopieuse.

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La Lumière des elfes

POUR MOI, IL Y A DEUX Peintures : la concave et la convexe — celle qui sort du cadre pour vous coller au mur et celle qui vous invite à enjamber le cadre pour aller voir comment se continue le paysage, au-delà.

Celle qui vous prend la tête en hurlant et celle qui vous prend par la main en chantant à voix de sirène.

Pour moi, il y a Guernica et les prisons du Piranèse.

 

 

Pour moi, il y a deux Femmes : les pétasses en A et les autres. Les pétasses en A sévissent chez les artistes — Gala, Elsa, Amanda, des chieuses aux yeux fous et aux comptes bancaires soignés. On dit : des Muses.

Hier soir, j’ai dîné avec Zelma, qui fut la Muse de Toussaint Settbon. Zelma, en bonne et due Muse, a la cinquantaine efflanquée, des cheveux de gitane, le cuir trop cuit et des pâtés sur la gueule (du khôl, du fard à joue, du rouge à lèvres). Tout ça est emballé dans des voileries noires qui puent la clope et lesté par des bijoux en argent crasseux, qui tintent à rendre folle une vache suisse.

Je n’arriverai jamais à donner de Zelma l’impression qu’elle veut donner, celle d’une belle pute vieillissante dont on suppose qu’elle a, en son jeune temps, posé à poil pour des génies drogués sous d’immenses verrières glaciales — d’une main elle boit un Tequila-Mezcal, de l’autre elle caresse ses beaux seins durcis. Drapée dans sa seule chevelure, elle incline sur une épaule frissonnante son beau crâne ravagé par l’Art et l’Opium…

Je n’y arriverai jamais. Zelma est trop conne. D’ailleurs, Toussaint Settbon était un gros con.

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Rhume des foins

C’EST UNE GRANDE MAISON en bois cérusé, blanche et gracile, échouée parmi les fleurs. On y entre par des portes-fenêtres gréées de mousselines et une galerie en fait le tour, séparée du jardin par une colonnade mangée de vigne vierge.

Pour aller de la route à la maison, il faut remonter une longue allée tracée à même un fouillis de chèvrefeuille. Le climat est si doux que les floraisons se succèdent sans interruption, d’un bout à l’autre de l’année, entretenant une jungle de parfums. C’est l’allée des vapeurs et des ivresses, un champs de pavots n’est pas plus suffocant, ni plus enchanteur. Les lilas s’enlacent à l’infini entre les fûts droits des tilleuls, élèvent vers les frondaisons des vrilles de pollen puis roulent enchevêtrés vers le sable de l’allée, qu’ils dévorent.

Le reste du jardin est une houle d’herbe où tanguent des corbeilles d’œillets, où transhument des troupeaux de fuchsias. Entre les flaques couvertes de nénuphars que bénissent les saules, tournoient des bosquets de laurier-roses poisseux. En écartant les branches, on rencontre parfois un buste moisi, ou un reste de balancelle, un kiosque en roseau pourrissant, une jardinière moustachue de menthe, un souvenir de plate-bande où le jasmin et le cannabis se battent en duel. On peut craindre parfois de se perdre, mais on retrouve toujours la maison, à cause des rires.

Sous la galerie sont servis à toute heure du thé brûlant, du café chaud, des gâteaux encore tièdes, des sirops glacés et des sourires chaleureux. Ça sent bon le bois, la citronnelle et le frais. Assis sous la véranda, j’ai vu bien des fois le soleil se coucher au fond du jardin, allumant des vers luisants dans la pelouse et des incendies sur l’horizon. Longtemps cette maison, ses parfums et ses livres, a été pour moi le paradis sur Terre. Et savez-vous quel serpent m’en a chassé ?

Le rhume des foins.

Mais il ne m’est pas venu tout seul, oh non…

 

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Le Jardin de Charlith

– Charlotte Berg est née la même année que moi. C’est… c’était la grand-tante de ta petite amie Christine. À l’époque, nous nous voyions chaque été, comme tu retrouves chaque été Christine et ta bande de copains. Vous passez vos après-midi à la plage, nous passions les nôtres ici. Nous étions un peu moins nombreux que vous. Il y avait ton grand-père, l’oncle François qu’on appelait Lancelot de la Flaque, Charlotte Berg, sa cousine Adrienne Villers, et puis la vieille tante Rose qui n’était alors ni tante ni vieille. Et d’autres, quelquefois mon frère Adrien, celui qui est mort à la guerre d’une rougeole, un Benoît, aussi, le père de celui qui a foutu le camp avec mon beau-frère, je crois, enfin nous étions une quinzaine. Et puis Dieter Saulx, surnommé « Le plus beau des enfants du monde » par les vieilles du coin. On se retrouvait parfois entre garçons, quand les filles jouaient à essayer les robes de leurs mères. Nous faisions voguer nos bateaux en discutant toujours de la même chose : les femmes en général, ces demoiselles en particulier. Et nous arrivions toujours à la même conclusion: Adrienne était la plus belle, mais nous étions tous amoureux de Charlotte.

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Mater Clamorosum

(...) en ces temps, les âmes erraient nombreuses le long des chemins. Aussi légères qu’une bruine, elles se pressaient dans les ornières, les fossés et les futaies basses. Elles floconnaient, imperceptibles, aux branches des ormes et des sureaux. Elles dormaient dans les cimetières, allongées sur leur propre tertre, et processionnaient interminablement au cœur des nuits. Les vivants leur cédaient le pas, par respect pour leur éternité.

Pourtant, éternelles, elles ne l’étaient pas.

 

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Confession d'un mort

IL Y A QUELQUES ANNEES, en 1849, j’ai passé plusieurs mois à Baltimore où j’ai occupé un emploi de typographe.

Un certain soir d’octobre, je restai penché sur mes casses jusque bien après le crépuscule et quand je me décidai enfin à rentrer chez moi je vis, derrière les fenêtres sales de l’atelier, que la nuit était tout à fait tombée. C’était une nuit épaisse, noyée de brume, et d’un froid aigre qui laissait présager un long et pénible hiver. Une lune en son plein devait pourtant briller dans le ciel, loin au-dessus des nuages, car une phosphorescence bizarre hantait le brouillard, transformant toute chose en spectre mouvant. C’est donc avec une appréhension diffuse que je sortis dans la ruelle, parfaitement silencieuse à cette heure tardive, et que j’assujettis les panneaux de bois qui fermaient la boutique sur le devant. Les sons eux-mêmes s’étouffaient dans l’obscurité fuligineuse et les planches aspées, en retombant le long de la façade, ne rendaient pas leur habituel claquement net mais une sorte de plainte chuintante prolongée par un écho funèbre. Quand enfin tout fut clos, je glissai une main engourdie dans ma poche pour y prendre la clef. Mes doigts glissaient sur le métal humide de la serrure, et j’eus grand peine à la faire jouer. J’y parvins cependant et elle émit un bruit sourd et profond, semblable à celui qu’aurait fait le pêne d’un cachot qu’on eut tourné quelque part, très loin sous terre. Il me sembla, à ce moment précis, qu’un gémissement faible lui répondait. Je tressaillis, sentant mes cheveux se hérisser sur ma nuque, et me retournai : derrière moi s’étaient amoncelées des ténèbres lourdes, étouffantes, d’une froideur compacte, telles enfin qu’on ne les trouve qu’au sein du plus obscur caveau. Aucune lueur ne trouait cette opacité lugubre, hors l’étrange frisson lunaire qui trompait le regard plus qu’il ne l’éclairait. Je restai un temps immobile, remontant contre mon cou glacé la fourrure de ma pelisse déjà raidie par le givre ; j’écoutai attentivement sans rien entendre, pas même l’habituel murmure du ruisselet qui parcourait la ruelle en son milieu et que le froid devait avoir pétrifié. Je tournai ensuite mes regards de tout côté, désespérant d’apercevoir ne serait-ce que le reflet ténu d’un fanal ou d’un lumignon, qui m’eut donné le courage de me mettre en route vers mon logis. Je pestai en moi-même contre la distraction qui m’avait fait oublier l’heure, hésitant à déclore la boutique pour y chercher une lampe à huile. Je décidai finalement de gagner une rue de quelque importance, avec l’espoir d’y croiser un passant mieux avisé que moi, ou au moins la fenêtre encore éclairée d’une demeure où il me serait possible de demander un bout de suif et une mèche. Je me mis donc en marche, levant les yeux comme un aveugle, contraint d’avancer à pas lents dans l’ordure du bas côté, car je n’avais pour guide que le mur que ma main frôlait.

 

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