Bifrost n° 55
Elle gît, couverte de givre, dans une grotte de glace. Sa pose est si inconfortable qu’elle pourrait lui avoir été soufflée par Rodin en personne : en partie appuyée sur son côté gauche, les épaules plaquées à la paroi, elle lève le coude droit au-dessus de la tête, la main pendue devant son visage. Sa jambe gauche est complètement enterrée.
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Sous sa couche de glace, ce qui apparaît de ses traits n’est pas déplaisant, mais pas frappant de beauté non plus. Elle semble avoir une vingtaine d’années. De multiples fissures courent sur les murs et le sol. Au plafond, les stalactites chatoient tels des bijoux dans la lumière que les parois reflètent en un cycle infini. Le terrain présente une pente graduée, aussi la statue, en son point culminant, confère à tout l’endroit un vague air de tombeau. Quand parfois les nuages se fendent à la tombée du soir, le couchant baigne sa silhouette d’un éclat rougeoyant.
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Le tableau d’ensemble pourrait laisser croire qu’il s’agit là d’une pauvre infortunée prise au piège et morte de froid, plutôt que la statue de la déesse vivante qui se tient à l’endroit où tout a commencé.
Roger Zelazny
Permafrost