Grève infernale
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Grève infernale est le tout premier titre d’une nouvelle collection « SF » lancée par les éditions Goater. L’éditeur annonce la parution de textes inédits d’auteurs engagés, au format novella, suivis d’entretiens ou d’essais (voire des deux).
Pour avoir dirigé de son vivant un syndicat honni (celui des travailleurs temporaires, autrement dit des « briseurs de grève »), voilà Jimmy Di Angelo projeté en Enfer, dans le cercle réservé aux leaders syndicaux borderlines.
L’enfer selon Spinrad est un empilement de réalités alternatives totalement virtuelles, faites « à cent pour cent d’effets spéciaux ». Les caprices de Lucifer tiennent lieu de règles : il en est le scénariste, le réalisateur et le chef décorateur. Chaque pécheur reçoit un châtiment personnalisé, des sévices à la carte. Pour les syndicalistes : une usine ressemblant à s’y méprendre à un camp de concentration, du charbon à pelleter, des fourneaux à alimenter. Tout cela sous les brimades des démons. Éternellement.
Qu’à cela ne tienne. Afin d’adoucir leurs tourments, Di Angelo et ses camarades n’auront dès lors qu’une seule idée en tête : pousser les démons à se mettre en grève et à revendiquer de meilleures conditions auprès du patron (Lucifer himself). Pas facile pour ces êtres que le Tout-puissant a privés statutairement du droit de penser et d’agir par eux-mêmes…
Sous ses atours de manifeste cégétiste, Grève infernale apparaît comme une parabole sur le libre-arbitre, où la figure du diable se révèle dans toute son ambiguïté : à la fois omnipotente et esclave. Innervée de bout en bout d’un humour pince-sans-rire, la lecture s’avère toujours plaisante. Le seul bémol concerne le niveau de la traduction, qu’on qualifiera poliment de… discutable.
S’ensuit une interview de Spinrad, qui revient sur quelques épisodes marquants de sa vie et sur son parcours d’auteur. L’ensemble est complété par un essai (à charge) couvrant un large pan de l’histoire économique étasunienne : le tableau d’une économie de marché gangrenée par « la finance » et l’impuissance (ou le cynisme) des politiques publiques y font froid dans le dos. La solution de sortie de crise suggérée par Spinrad, bien qu’empreinte d’une certaine naïveté, nous rappelle fort opportunément qu’un autre projet de société, basé sur le partage des richesses et la valorisation du travail, est toujours possible.