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Bifrost 88 : l'avis de Lutin82

« Ce numéro de Bifrost consacré à Greg Egan permet de se familiariser avec l’écrivain de Hard-SF. Le dossier, complet, soulève quelque peu le voile au-delà de l’auteur et dévoile un homme passionné, positif ainsi qu’un des meilleurs défenseurs de la science dans son rapport à l’homme. » Albédo - univers imaginaires

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Saint-Judas-de-la-Nuit

Comment aborder Saint-Judas-de-la-Nuit, assurément le récit de Jean Ray le plus difficile d’approche ? Tout simplement en annonçant que le roman va en quelque sorte débuter là où s’arrêtait Malpertuis, avec cette résurgence de Doucedame dans une phrase dérobée à Malpertuis et mise dans le « Prélude à Saint-Judas-de-la-Nuit ». Mais, plus qu’une réécriture, cet ultime roman de Jean Ray est une complexification de la structure de Malpertuis. On doit d’ailleurs avouer que la lecture en est particulièrement ardue, ce en raison d’un refus absolu de linéarité. Poussant à l’extrême le procédé utilisé dans Malpertuis, Saint-Judas-de-la-Nuit se présente en effet comme un roman du retardement et du difficile recentrement, avec son « Avertissement », son « Prologue », sa « Mise en place sur l’échiquier » puis ses huit chapitres entrecoupés de cinq interférences. La lecture est de même rendue difficile par ce déploiement en volets, où le lecteur est amené à douter en permanence de la temporalisation des extraits, et il en vient même à s’interroger sur des noms qui changent de graphie sans explication apparente, à l’image de Pierre-Judas Huguenin qui devient Judd, puis Hügenholz, l’auberge Les Sept étoiles que l’on appelle aussi Le Char de David, ou la ville que l’on présente indifféremment sous les noms de La-Roche-sur-Orgette ou La-Ruche-sur-Orgette.

Il apparaît donc nécessaire de repositionner la chronologie des trois quêtes du Grimoire Stein qui s’entremêlent dans Saint-Judas-de-la-Nuit. Néanmoins, sans doute faut-il aussi éviter de penser uniquement en résumé chronologique et suggérer que c’est définitivement dans cette forme même que l’on peut pleinement saisir la portée métaphysique que l’auteur entendait donner à son ultime roman. Jean Ray propose une épouvante véritablement existentielle : l’Homme a peur de refuser le sens commun imposé par le vocabulaire courant, mercantile (le jeu avec les noms d’auberge qui renvoient à une origine sacrée), et si les mots inversent leurs significations par des alliances et un jeu de regard sur eux, le monde ne serait qu’un illusoire équilibre. Structure de l’illusoire, ce roman, qui ne se prête pas au résumé, allierait son sens à sa forme même. On y verra là une grande réussite… ou un échec, à partir du moment où, dans les autres textes de Jean Ray, l’histoire porte la métaphysique, alors qu’ici la métaphysique emporte l’histoire.

Les Contes noirs du golf

Le recueil, constitué après la mort de Jean Ray, regroupe des textes initialement parus dans la revue Golf. Exercices d’écriture sous contrainte, donc. Dans Les Contes du whisky, l’unité thématique donnait prétexte aux récits sans vraiment les influencer. Ici, le fond détermine les différentes variations formelles, et Jean Ray brasse large. « 72 holes… 36… 72 », « Seul dans le Club House » et « Mademoiselle Andrée Froget » traitent de tragédies amoureuses. « La Balle de l’engoulevent » s’intéresse à la sorcellerie, « Les Links hantés » et « La Chance des aigles blancs » sont des histoires de fantômes, « Hécate » et « EG-1405 » parlent de surnaturel exotique, tout comme le très beau « Monsieur Ram », histoire d’enfant martyr et de son ami pas si imaginaire que cela. « Le Mystère du dipclub » propose une vengeance à la Monte-Cristo. « La Grande Ourse » revisite l’un des thèmes classiques du fantastique, la boutique qui disparaît du jour au lendemain. « La Bête des links » offre un récit réaliste autour d’un tueur de femmes, tandis que « Le Plus ancien membre », « La Fin » et « Le Septième trou » relèvent du fait-divers. On retrouve aussi la parodie d’essai, exercice cher à l’auteur, avec « Le Vestiaire » et l’usage de références historiques, fausses ou avérées dans « Le Golfeur de Mabuse ».

On appréciera, à titre de clin d’œil, « La Balle volée », qui permet de retrouver le personnage de Si Triggs, héros malgré lui du roman La Cité de l’indicible peur (Alma, 2015), et surtout « Le Swing », récit d’une réjouissante méchanceté.

Un ensemble hétérogène, qui va de l’agréable à l’excellent, complété dans l’édition d’origine par une postface d’Henri Vernes.

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