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Heurs et malheurs de la physique quantique

Sous-titré Des Vérités incroyables, cet ouvrage traite des controverses et des débats qu'a suscité la mécanique quantique durant sa difficile gestation, pour la faire accepter, parfois par ceux-là même qui ont formulé de brillantes théories dont ils refusaient les implications.

Il ne s'agit pas d'un historique à proprement parler : le postulat du neutron ou celui de la fission sont des jalons à peine mentionnés : c'est sur le versant conceptuel et philosophique que les deux auteurs se situent. La physique quantique a en effet ébranlé les fondements même de la science et de notre représentation du monde, jusqu'au déterminisme local, socle de la physique classique. Le refus d'abandonner une théorie qui a fait ses preuves est un argument majeur, mais avec la physique quantique se manifeste une peur quasi métaphysique devant l'effondrement des certitudes à propos de la matière, de l'espace, du temps, de la causalité, du réel même.

C'est pourquoi ce parcours épistémologique revient rapidement sur les principales remises en question des croyances et des évidences, depuis l'Antiquité jusqu'à Galilée, Newton et la relativité d'Einstein. Les chapitres exposent les problèmes conceptuels selon une progression thématique, quitte à revenir dans le détail sur les articles fondateurs, afin de bien identifier la nature des remises en questions. On suit ainsi la pensée en action de Heisenberg, de Broglie, Schrödinger, la controverse entre Bohr et Einstein et les efforts pour surmonter le paradoxe EPR. Les rejets, les sarcasmes ou les enthousiasmes prennent la mesure du débat opposant les tenants d'un réalisme local aux prosélytes d'une physique reposant sur l'indéterminisme et la non-localité.

Les difficultés soulevées à chaque étape sont exposées avec clarté, prenant le temps de détailler les termes d'une fonction, pour permettre au (presque) néophyte de comprendre enfin ce qui est en jeu. L'ouvrage est cependant dense pour synthétiser en si peu de pages de si nombreuses péripéties. On n'attendait pas Gérard Klein sur ce terrain qu'il suit pourtant attentivement depuis des décennies. Jean-Pierre Pharabod (co-auteur du Cantique des quantiques) et lui ont à cœur de faire partager leur passion pour cette surprenante physique et y parviennent très bien.

Greenland

L’autrichien Heinrich Steinfest n’est a priori guère connu en France des amateurs et amatrices des littératures de l’Imaginaire. Jusqu’à maintenant, cet auteur a surtout attiré l’attention des amateur.e.s de polar. Genre dont relevaient ses livres précédents tels Sale Cabot (Phébus), Requins d’eau douce et Le onzième pion (Carnets Nord), salués comme autant d’apports à la fois réussis et singuliers au roman criminel. Si ces récits d’enquête travaillaient habilement un schéma éprouvé du polar – le whodunit –, tous se teintaient d’une étrangeté parfois si prononcée qu’elle les amenait aux lisières du fantastique. Une frontière générique que Greenland semble quant à lui allègrement franchir dans sa partie inaugurale. Celle-ci consigne le témoignage rétrospectif du quinquagénaire Theo März quant à l’extraordinaire expérience qu’il vécut enfant en l’année 2010. Il se rappelle la nuit durant laquelle la fenêtre de sa chambre – jusque-là exempte de tout rideau – s’orna soudainement d’un inattendu store vert. Au mystère de son inexplicable apparition s’est bientôt adjoint celui des pouvoirs de la miraculeuse pièce de tissu. Seuil plutôt que fermeture, le store constituait une manière de sas vers un univers parallèle nimbé d’une lumière verte. Tels les enfants Darling de Peter Pan, Theo franchit un soir le sas interdimensionnel pour partir à la découverte non pas de Wonderland mais de Greenland. Pendant quelques nuits, le jeune garçon y connut de bizarres et dangereuses aventures. Elles mêlaient, entre autres protagonistes, des hommes effrayants aux visages dissimulés par des jumelles et une fillette en proie à un inhabituel supplice. Inquiet de la possible contamination du réel par les créatures de Greenland, l’enfant se débarrassa finalement du store miraculeux… Mais quarante ans plus tard, l’énigmatique artefact réapparaît sur un des hublots du Villa Malaparte, la nef spatiale emportant Theo – devenu astronaute – vers Mars en cours de colonisation. Et le quinquagénaire de bientôt repartir du côté de Greenland… Si l’ombre de J. M. Barrie plane sans doute sur le premier mouvement du roman, sa deuxième partie science-fictionnelle fait elle comme écho à Philip K. Dick. À l’instar des héros dickiens peu à l’aise en ménage, la conjugalité s’avère pour Théo – deux fois divorcé – aussi complexe que ses périples entre les planètes et les dimensions. Sans doute nourri par un large faisceau d’influences – on pourrait encore y ajouter le cinéma ( 2001, l’Odyssée de l’espace) ou la bande-dessinée (Batman) Greenland n’en est pas moins éminemment original. Combinant imagerie surréaliste, ironie pince-sans-rire et saillies aphoristiques, l’écriture de Heinrich Steinfest dessine une contrée de l’Imaginaire aussi drôle qu’intrigante. Du moins dans les deux premières parties du livre… En éclairant d’un jour crûment rationnel les mystères de Greenland tout en lorgnant vers un certain pathos, la conclusion du roman en atténue quelque peu la force de fascination. On conseillera donc de faire l’économie des dix dernières pages pour goûter pleinement les qualités par ailleurs certaines de Greenland. Ne pas aller au terme d’un roman est parfois la meilleure des façons de le lire.

Le Rêveur illimité

[Critique commune au Jour de la création et au Rêveur illimité.]

Les précieuses éditions Tristram approfondissent leur catalogue ballardien déjà conséquent avec la réédition de deux romans fort étranges, et qui, bien que séparés par huit années, appellent des commentaires parfois similaires.

Dans Le Rêveur illimité, un dingue du nom de Blake s’écrase avec le petit avion qu’il a volé (sans savoir le piloter) dans la Tamise, à proximité de Shepperton, la banlieue ballardienne par excellence. Lui qui a peut-être péri dans l’accident déduit du miracle de sa présence un caractère de dieu païen ou de messie que « sa famille » de banlieusards lui concède volontiers. Coincé entre la Tamise et le périphérique, le satyre divin use alors de ses pouvoirs oniriques et pervers pour muer la zone en utopie hippie partouzarde louchant toujours un peu plus sur le délire sectaire autodestructeur à la Jim Jones, jusqu’à l’apocalypse finale aux relents de vampirisme.

Le résultat est plus que déconcertant : difficile de dire où commence (ou s’arrête) la (réjouissante) mauvaise blague – et on a l’impression d’un roman où la (plus ou moins) parodie de Philip K. Dick s’associerait à la métaphysique et à la relecture (sérieuse) des Évangiles au moins autant que des mythologies anciennes, mais dans une sorte de cahier de brouillon tenu par un adolescent aliéné par ses hormones en ébullition et qui y griffonnerait des dizaines de bites à chaque page.

Le Jour de la création traite quant à lui d’un médecin du nom de Mallory, affecté dans un pays indéfini d’Afrique centrale en proie à l’avancée du désert, et qui, par hasard, donne naissance à un fleuve gigantesque à même de refleurir le Sahara – lui qui cherchait justement à régler le problème de l’eau dans la région ! Mais Mallory s’identifie à ce fleuve auquel on a donné son nom ; et quand il entreprend de le remonter jusqu’à sa source, en compagnie d’une enfant-soldat qui l’attire sexuellement, poursuivi par quantité de locaux ou d’étrangers tous désireux de profiter du miracle, dans une atmosphère de guerre ouverte, c’est… pour le détruire : il projette sur lui ses pulsions d’autodestruction, et l’expédition tourne au jeu de massacre.

Il s’agit-là d’un roman sous influence, qui rappelle bien des œuvres usant de ce topos du fleuve que l’on remonte, le contexte africain (mais aussi philosophique) impliquant de placer en tête Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad – agrémenté de fantasmes coloniaux. Mais Ballard y revisite aussi son œuvre passée de manière assez frontale : on pense tout naturellement au Monde englouti et à La Forêt de cristal, bien qu’on puisse sans doute aller au-delà.

Dans les deux cas, la mégalomanie du « héros », parfaitement détestable dans ses atours de démiurge de circonstances, génère un délire mystique qui est en même temps réflexion sur la création artistique – la fiction comme mythe, l’écrivain comme seul rêveur illimité, le monde comme récit. Dimensions bienvenues et complémentaires, même si développées de manière plus ou moins subtiles (dans Le Jour de la création, la métaphore du film documentaire n’est pas intéressante, mais à l’occasion un peu lourde).

Cependant, les deux romans pâtissent sans doute du même travers : ils s’éternisent bien trop longtemps. Le Rêveur illimité est d’abord jubilatoire, puis la répétition des mêmes orgies fantasmatiques lasse. L’introduction brillante du Jour de la création, digne des meilleurs Ballard, finit par être desservie en raison de rebondissements également répétitifs, même si le bilan final est davantage positif.

Cela n’en fait pas de mauvais romans, loin de là – simplement des titres « mineurs » dans la bibliographie de Ballard ; en fait, ce sentiment est d’autant plus appuyé que les deux romans incitent à semblable comparaison. Mais, avouons-le, un Ballard mineur vaut intrinsèquement mieux que quatre-vingt-dix-huit pour cent des parutions littéraires ; et on remerciera donc Tristram pour ces rééditions finalement bienvenues, au-delà de leur seule dimension complétiste.

Le Jour de la création

[Critique commune au Jour de la création et au Rêveur illimité.]

Les précieuses éditions Tristram approfondissent leur catalogue ballardien déjà conséquent avec la réédition de deux romans fort étranges, et qui, bien que séparés par huit années, appellent des commentaires parfois similaires.

Dans Le Rêveur illimité, un dingue du nom de Blake s’écrase avec le petit avion qu’il a volé (sans savoir le piloter) dans la Tamise, à proximité de Shepperton, la banlieue ballardienne par excellence. Lui qui a peut-être péri dans l’accident déduit du miracle de sa présence un caractère de dieu païen ou de messie que « sa famille » de banlieusards lui concède volontiers. Coincé entre la Tamise et le périphérique, le satyre divin use alors de ses pouvoirs oniriques et pervers pour muer la zone en utopie hippie partouzarde louchant toujours un peu plus sur le délire sectaire autodestructeur à la Jim Jones, jusqu’à l’apocalypse finale aux relents de vampirisme.

Le résultat est plus que déconcertant : difficile de dire où commence (ou s’arrête) la (réjouissante) mauvaise blague – et on a l’impression d’un roman où la (plus ou moins) parodie de Philip K. Dick s’associerait à la métaphysique et à la relecture (sérieuse) des Évangiles au moins autant que des mythologies anciennes, mais dans une sorte de cahier de brouillon tenu par un adolescent aliéné par ses hormones en ébullition et qui y griffonnerait des dizaines de bites à chaque page.

Le Jour de la création traite quant à lui d’un médecin du nom de Mallory, affecté dans un pays indéfini d’Afrique centrale en proie à l’avancée du désert, et qui, par hasard, donne naissance à un fleuve gigantesque à même de refleurir le Sahara – lui qui cherchait justement à régler le problème de l’eau dans la région ! Mais Mallory s’identifie à ce fleuve auquel on a donné son nom ; et quand il entreprend de le remonter jusqu’à sa source, en compagnie d’une enfant-soldat qui l’attire sexuellement, poursuivi par quantité de locaux ou d’étrangers tous désireux de profiter du miracle, dans une atmosphère de guerre ouverte, c’est… pour le détruire : il projette sur lui ses pulsions d’autodestruction, et l’expédition tourne au jeu de massacre.

Il s’agit-là d’un roman sous influence, qui rappelle bien des œuvres usant de ce topos du fleuve que l’on remonte, le contexte africain (mais aussi philosophique) impliquant de placer en tête Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad – agrémenté de fantasmes coloniaux. Mais Ballard y revisite aussi son œuvre passée de manière assez frontale : on pense tout naturellement au Monde englouti et à La Forêt de cristal, bien qu’on puisse sans doute aller au-delà.

Dans les deux cas, la mégalomanie du « héros », parfaitement détestable dans ses atours de démiurge de circonstances, génère un délire mystique qui est en même temps réflexion sur la création artistique – la fiction comme mythe, l’écrivain comme seul rêveur illimité, le monde comme récit. Dimensions bienvenues et complémentaires, même si développées de manière plus ou moins subtiles (dans Le Jour de la création, la métaphore du film documentaire n’est pas intéressante, mais à l’occasion un peu lourde).

Cependant, les deux romans pâtissent sans doute du même travers : ils s’éternisent bien trop longtemps. Le Rêveur illimité est d’abord jubilatoire, puis la répétition des mêmes orgies fantasmatiques lasse. L’introduction brillante du Jour de la création, digne des meilleurs Ballard, finit par être desservie en raison de rebondissements également répétitifs, même si le bilan final est davantage positif.

Cela n’en fait pas de mauvais romans, loin de là – simplement des titres « mineurs » dans la bibliographie de Ballard ; en fait, ce sentiment est d’autant plus appuyé que les deux romans incitent à semblable comparaison. Mais, avouons-le, un Ballard mineur vaut intrinsèquement mieux que quatre-vingt-dix-huit pour cent des parutions littéraires ; et on remerciera donc Tristram pour ces rééditions finalement bienvenues, au-delà de leur seule dimension complétiste.

Un World Fantasy Award pour Kij Johnson

The Dream-Quest of Vellit Boe, court roman de Kij Johnson situé dans les Contrées du rêve de Lovecraft vient d'être couronné par le prix World Fantasy ! Une bonne nouvelle n'arrivant jamais seule : il sortira au Bélial' en février 2018, dans une traduction de Florence Dolisi et avec des illustrations de Nicolas Fructus…

Faire des sciences avec Star Wars dans la Yozone

« Lire Faire des sciences avec Star Wars revient mine de rien à s’instruire, car Roland Lehoucq transmet très bien son amour de la science et sait la présenter de manière compréhensible. Après, même si l’émerveillement sera toujours d’actualité, le lecteur ne regardera plus les épisodes de la même façon.
Mission réussie, professeur Lehoucq ! » La Yozone

Miro Hetzel chez Chut Maman lit

« Au final, Jack Vance, en maitre du planète opera, nous présente des mondes étranges et mystérieux, comme toile de fond à son personnage digne d'Agatha Christie : mélange réussi ! Une lecture très agréable où la SF rejoint le polar. Deux nouvelles transgalactiques pour des enquêtes efficaces sur un fond SF particulièrement riche (comme toujours) qui permettent de découvrir l'auteur autrement, une belle rencontre avec ce recueil de nouvelles ! » Chut Maman lit

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