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Alice automatique

Déjà paru en France en 1998, le troisième roman de Jeff Noon reparaît aujourd’hui à la Volte, éditeur emblématique de l’auteur, dans une nouvelle traduction de Marie Surgers (qui n’en est pas à son premier fait d’armes en la matière – voyez l’extraordinaire Intrabasses, dûment récompensé).

L’auteur était alors en plein « Vurt », un « cycle » hors-normes, où l’influence séminale de Lewis Carroll se mêlait à une sorte de cyberpunk déjanté. Avec Alice automatique, Noon rendait à César ce qui appartenait à César, mais sans oublier son univers propre. Ainsi, tout en livrant une « troisième aventure » de la petite Alice, il prolongeait en même temps Vurt et Pollen — plumes aux effets psychédéliques et chimères entre l’homme et l’animal sont donc de la partie, et ont peut-être même quelque chose d’une genèse.

Or le pays qui se trouve au-delà de l’horloge où se précipite Alice, à la poursuite du perroquet Whippoorwill, n’a rien à envier au Pays des Merveilles ou à celui qui se trouvait de l’autre côté du miroir… Car elle se retrouve à Manchester en 1998 – 138 ans de retard pour sa leçon d’anglais de quatorze heures, la grand-tante Ermintrude sera furieuse… Il lui faut donc rentrer chez elle, et à temps pour cette leçon – car la petite fille bénéficie d’une certaine force de caractère, même si elle doit beaucoup à sa candeur. Mais c’est un bien curieux univers que cette Manchester légèrement futuriste – le lecteur en est probablement plus décontenancé que l’héroïne… C’est que la néomonie y règne, qui a créé des hybrides fantasques fusionnant hommes, animaux et objets. Un blairhomme ici, un arachnogosse là, des boarocrates partout…

Et des puzzlomeurtres. Car c’est dans une enquête policière que se lance Alice : les crimes s’enchaînent, démantibulant des victimes déjà chimériques, et sur chaque cadavre on retrouve une pièce de puzzle… Ce qui tombe bien : en 1860, Alice faisait un puzzle du zoo de Londres, mais il lui manquait très exactement douze pièces – il lui suffit de les retrouver, et elle pourra rentrer chez elle…

D’autant qu’elle a des alliés : le capitaine Fracaboum, spécialiste en aléatoirologie, ou la chrownotransductionologue Chrowdingler – sans parler de Celia, l’Alice Automatique, à la fois réelle et imaginaire. Il faut bien ça pour vaincre les points de suspension…

Sur cette base, Noon livre un roman nonsensique, où la matière et les procédés de Lewis Carroll, bien intégrés et superbement pastichés (tâche ô combien périlleuse, pourtant), s’insèrent dans l’univers virtuel? ; s’instaure une complicité savoureuse entre l’auteur et le lecteur qui s’avère bien plus complexe (et singulière) que ce que l’on pourrait croire de prime abord, et merveilleusement ludique.

À l’évidence, Alice automatique a dû représenter un vrai casse-tête pour la traductrice – tant les mots-valises et autres anagrammes abondent à chaque paragraphe. Ainsi que l’on pouvait s’y attendre, Marie Surgers s’en sort au mieux, et le court roman n’en est que plus jubilatoire, car ces divers jeux de mots sont ici à leur place, et n’ont pas la lourde gratuité caractéristique d’un autre auteur de la Volte, celui qui (hordeducontre)vend bien…

Hommage passionné et réjouissant, Alice automatique constitue le plus ludique des livres de Noon? ; le projet avait quelque chose d’arrogant, mais le résultat est à la hauteur du talent de cet excellent auteur, dont on ne remerciera jamais assez l’éditeur pour ces belles éditions françaises.

Le dernier amour du lieutenant Petrescu

Tout va mal en Moldavie. Tout va vraiment mal. À tel point que le responsable du SIS – qui a remplacé le KGB depuis la proclamation de l’indépendance – est persuadé qu’Oussama ben Laden se cache quelque part dans la capitale. Il le ferait même au vu et au su de tous, se faisant passer pour le cuistot d’un petit restaurant situé au cœur de Chisinau. Sous la forme d’un improbable inventaire, ajoutons aux policiers alcooliques ex-KGB, des étudiants révolutionnaires, du sexe, des fonctionnaires fainéants, des complots moldaves, de la vodka, un journaliste, des mouchards, des contre-complots américains, des morts, des trahisons, d’antiques caméras de surveillance et bien évidemment des chawarmas. Le voyage que propose Vladimir Lortchenkov est de ceux que l’on fait en souriant, sans jamais savoir si notre rire est noir ou pas. Ses personnages sont tragi-comiques, grotesques et déglingués, tout comme le monde post-soviétique en permanence au bord du chaos qui les entoure. L’intrigue virevolte, rebondit, multiplie les rebondissements, sans jamais reculer devant aucun effet pour construire un étonnant patchwork de personnages qui se perdent dans un imbroglio permanent d’idées, de bêtise et d’alcool. Le non-sens épuise parfois tellement le rythme est intense. On ne sait plus si on se perd à cause de l’intensité des situations toutes plus délirantes les unes que les autres ou si notre propre désarroi participe de l’expérience de la lecture. Car toutes bonnes farces cachent leur part de critique et derrière la bouffonnerie pointe la satire impitoyablement loufoque d’un pays à la dérive. Ne cherchez pas. Si les Monty Python avaient été moldaves, ils auraient signé ce livre.

Stony Mayhall dans la Ménagerie du livre

« Je le conseille et le re-conseille aux amateurs du genre, mais c’est aussi une porte ouverte à toute autre personne curieuse (comme moi:p), tellement la complexité du personnage est forte et belle.
C’est le genre de livre qui vous marque, que vous gardez en référence bien après votre lecture et, allez jusqu’à lire toute la bibliographie de l’auteur ensuite. » La Ménagerie du livre

Capitaine Futur dans le blog SF de Marc

« Donc, si l’envie vous vient de découvrir les auteurs de science-fiction qui sont à l’origine du genre, en voici un bon exemple. L’empereur de l’espace de Edmond Hamilton se laisse lire. Belle initiative du Bélial et de Pierre-Paul Durastanti en particulier. » Le Blog science-fiction de Marc

Le Crépuscule des dieux au Pays des Cave Trolls

« Ce roman vient donc conclure en beauté une excellente série française d’imaginaire. Stéphane Przybylski nous offre une tétralogie mêlant histoire, aventure, espionnage et extraterrestres avec une connaissance extraordinaire de l’histoire et se permet ainsi de créer une véritable histoire secrète passionnante à lire. Je suivrai avec grand intérêt les prochains ouvrages de l’auteur. » Au pays des Cave Trolls

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