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Les Marionnettes reviennent…

La précommande est maintenant ouverte pour Les Fils enchevêtrés des marionnettes d'Adam-Troy Castro. Traduit par Benoît Domis et illustré par Aurélien Police, ce court roman vous ramène sur la planète Vhlan, dix ans après les événements de La Marche funèbre des marionnettes, alors que de plus en plus d'humains participent au mortifère Ballet et que la situation se tend… Parution le 19 septembre sur Terre !

“L'Automate de Nuremberg” : l'avis de Célindanaé

« Ce court texte est un conte philosophique intéressant, au croisement de Frankenstein et du développement d’une IA. La toile de fond est crédible, avec des petits questionnements uchroniques dans lesquels la France n’a pas le beau rôle. Comme à son habitude Thomas Day arrive à rendre ses personnages attachants en très peu de temps, à nous immerger dans son récit grâce à son style direct. » Au pays des cave trolls

La sortie du jour : “L'Éveil du Palazzo”

La sortie du jour, c'est L'Éveil du Palazzo de Léo Henry ! Le deuxième volet du cycle de fantasy « Mille Saisons » est désormais disponibles en papier comme en numérique, dans toutes les librairies de Pré aux Oies et de cette réalité, ainsi que sur belial.fr !

Houston, Houston, me recevez-vous ?

Il y a des livres qui sont des textes de contrastes, qui font se confronter deux visions du monde, deux groupes de protagonistes que tout oppose, deux propositions de civilisations. C’est exactement ce qu’offre Houston, Houston, me recevez-vous ? de James Tiptree, Jr.

L’histoire s’ouvre pourtant sur une scène classique d’un récit d’aventures : le Sunbird, vaisseau de la Nasa avec à son bord la crème de la crème des astronautes que notre époque a pu produire, à savoir le capitaine Bernhard Geirr, le major Norman Davis et le docteur Orren Lorimer, se retrouve en perdition après une tempête solaire. Les trois hommes tentent de faire de nouveau route vers la Terre et envoient un signal de détresse à la base de Houston auquel répond… un autre vaisseau spatial. Or aucune autre mission n’était prévue. Le mystère s’épaissit et les contrastes se déploient. Contrastes entre les façons de communiquer, entre les vaisseaux. Contrastes entre les deux équipages, celui du Sunbird et celui du Gloria, composé uniquement de femmes. Entre ces trois hommes qui se raccrochent aux schémas qui les ont façonnés : pouvoir, domination, dénigrement, hiérarchie, stéréotypes, besoin de se sentir élu et indispensable. Et ces femmes qui ont dû tout réinventer pour faire face à une situation catastrophique, et qui constatent qu’elles s’en sortent finalement très bien toutes seules. Un texte d’une grande intelligence, à l’écriture ciselée, aux tons divers en fonction des personnages, qui montre que malheureusement le contraste ne peut tenir ni être accepté avec nuance. Les trois hommes y réagissent en se rigidifiant dans leurs modes de pensées, finissant chacun par représenter un type de violence patriarcale. Et en face, une incompréhension qui se mue en indifférence, tant cet ancien monde, bien qu’historiquement intrigant, est bel et bien obsolète depuis longtemps. Cette novella, lauréate des prix Hugo et Nebula, a été éditée à l’origine en 1977 et ne perd pourtant pas sa pertinence. Au contraire, le propos même de ce texte nous invite à le relire à plusieurs décennies d’intervalle, quelques siècles même, comme une jauge de l’évolution ou non de notre société. Et à chaque fois, nous pourrions nous poser la question : « Lequel de ces discours contrastés nous parait le plus exotique ? »

Enfin, que le lecteur inquiet de tomber dans un texte monothématique se rassure : si les rapports femmes-hommes sont centraux dans Houston, Houston, me recevez-vous ?, le texte aborde avec délice une foule d’autres thématiques d’anticipation sociétale et de science-fiction, avec des concepts absolument brillants et qui laissent l’imagination en feu. Pistes que l’autrice, Alice Sheldon, écrivant sous la persona de James Tiptree, Jr., aurait souhaité explorer dans un texte plus long, comme elle l’explique dans la postface très éclairante, et qui ajoute à la richesse du livre, dans son écrin d’une sublime couverture signée Aurélien Police et traduit par Jean-Daniel Brèque. Une novella percutante, piquante et savoureuse à lire et à relire.

Par-delà les murs du monde

Pour savoir pourquoi James Tiptree, Jr. n’a publié que deux romans, dont seul le premier, Up the Walls of the World, a été traduit en français un an après sa sortie aux États-Unis en 1978, il suffit de lire ce dernier. Par-delà les murs du monde, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est bourré de bonnes idées. Nous suivons trois espèces différentes : des humains et un labrador faisant partie d’une expérimentation de l’armée américaine sur la télépathie et autres phénomènes paranormaux, d’immenses créatures volantes télépathes sur Tyree confrontées à la fin probable de leur monde et de leur mode de vie, et le Destructeur, une sorte de nuage cosmique sentient qui a fait sécession et s’interroge sur le but de son existence. Les humains, totalement en phase avec les obsessions de l’époque pour les manigances cachées des agences fédérales, les drogues et la libération ou la frustration sexuelle, forment un microcosme mal assorti de la société américaine. Sur Tyree, les rôles entre les espèces sont stricts : aux femelles, la chasse et l’exploration géographique ; aux mâles, les professions intellectuelles, la science et l’éducation des enfants (avec un système de couvade similaire à celui des hippocampes). Tyvonel, la narratrice de cette partie, cherche d’ailleurs sa place entre sa curiosité insatiable et son sens de la bienséance l’enjoignant à respecter les Pères. Quant au Destructeur ? C’est le plus énigmatique du lot, dont les motivations sont difficiles à saisir. La confrontation entre les trois espèces, les échanges de corps et autres péripéties forment une histoire riche et passionnante où se mêlent humains faillibles et extraterrestres fina- lement très proches de nous malgré leur étrangeté.

Mais cette œuvre de James Tiptree, Jr. souffre de deux défauts majeurs : un problème de rythme et une tendance à appuyer un peu trop sur ce qu’elle veut dénoncer (en tout cas, vu de 2024, car il est fort probable qu’en 1978, sans punchlines bien senties, ses lecteurs seraient passés à côté de certains problèmes qu’elle dénonce). Mais aujourd’hui, sauf à être particulièrement bouché (on en connaît), oui, on a compris quel personnage masculin est un harceleur, on sait aussi que l’excision c’est mal et combien ça impacte la santé mentale de qui la subit, et l’inversion des rôles et des perceptions entre les genres sur Tyree et sur Terre apparaît un brin forcée, voire maladroite. Et ce n’est pas le plus ennuyeux… Avant d’arriver au cœur de l’action, l’autrice risque de faire mourir d’ennui son lectorat avec une trop longue exposition. Il faut en effet attendre d’avoir passé un bon tiers du roman pour que les habitants de Tyree et ceux de la Terre entrent en contact. Et l’action ne démarre réellement qu’après avoir franchi la moitié du roman. Tout le reste se résume à un saut d’une espèce à l’autre à chaque chapitre sans réellement trouver de liens. D’autant que les chapitres ne sont pas petits, aussi à chaque fin c’est un déchirement de quitter Tyvonel pour passer à Daniel et vice-versa. Dommage, mais on sait la plume de James Tiptree, Jr. bien plus efficace en tant que nouvelliste. Et plus vive !

Le Livre d’or de la Science- Fiction

Pour qui ignorerait encore tout d’Alice Hastings Bradley Sheldon (a.k.a., entre autres pseudonymes, James Tiptree, Jr.), ce volume du « Livre d’Or » constitue une très stimulante initiation à son univers science-fictionnel, à plus d’un titre saisissant…

Réunies en 1986 par Pierre K. Rey (et initialement publiées entre 1968 et 1980), les dix nouvelles de ce « Livre d’Or » dessinent de prime abord un paysage littéraire composite. Cet apparent hétéroclisme tient à celui des contrées science-fictionnelles explorées par Tiptree. Certains des textes s’inscrivent dans le champ aventureux de l’odyssée intersidérale sur fond d’un futur pareillement lointain, tels Houston, Houston, me recevez-vous ?, « Naissance d’un commis voyageur », « Ultime espoir », « Le Jeu du solitaire » et « Une source de joie innocente ». Les quatre derniers combinent à leur motif exploratoire celui d’entités extraterrestres aux diverses incarnations, allant de monstruosités titanesques (« Ultime espoir », « Le Jeu du solitaire ») à une planète érigée en être vivant (« Une source de joie innocente »), en passant par des aliens aux proportions plus modestes (« Naissance d’un commis voyageur »). Les six autres textes, quant à eux circonscrits au seul espace terrestre, relèvent de l’anticipation d’un avenir plus ou moins proche, là encore selon des modalités narratives plurielles. D’une tonalité dystopique, « Ligne de fuite » et « Comme des mouches » imaginent d’inédites pathologies, précipitant chacune à leur singulière manière la fin de l’humanité. Elle y échappe dans « Une fille branchée » à la noirceur (un peu) moins prononcée… du moins dans l’immédiat, car sa spéculation à la fois scientifique et sociologique sur l’avenir de la féminité n’augure in fine rien de bon pour l’espèce humaine. Moins apocalyptiques, plus spéculatives, « La Longue Marche » et « Une demi-heure sur une couverture Hudson Bay » s’inscrivent quant à elles dans la veine du voyage temporel et de ses vertigineux paradoxes. La première en suppose les effets à l’ample échelle de l’humanité, la seconde, plus intime, en dessine les conséquences pour son seul couple de personnages. Traité sur un mode ironique, cette « Demi-heure sur une couverture Hudson Bay » témoigne de l’humour (très) acide de Tiptree, marquant encore « Naissance d’un commis voyageur » et « Une fille branchée ». Volontiers caustique, l’écriture de l’autrice sait se faire, avec un même talent, tragique dans ses récits les plus graves ou bien encore discrètement poétique comme avec « Une source de joie innocente ».

D’une séduisante plasticité formelle, l’univers de Tiptree synthétisé par ce « Livre d’Or » n’en manque pas pour autant d’une forte cohérence thématique, placé qu’il est sous le signe récurrent de la rencontre. Les unes sont du « troisième type » lorsque les récits confrontent leurs protagonistes humains à d’extraterrestres créatures. L’altérité qui se manifeste alors n’est cependant pas plus profonde que celle révélée par les nouvelles terrestres de Tiptree. Nombre d’entre elles s’attachent pourtant à un type a priori fort banal de rencontre, celle amoureuse advenant entre femmes et hommes. Mais Tiptree se livre alors à une évocation tout en vigueur féministe et critique des différences induites socialement entre les deux sexes… à tel point que ceux-ci semblent dessiner deux espèces aussi distinctes qu’antagonistes. Car les face-à-face consignés dans ce « Livre d’Or » se terminent le plus souvent (très) mal, rattachant ainsi Tiptree au pan le plus inquiet d’une SF peinant à espérer quant à l’avenir du genre humain. Que celui-ci advienne ici-bas ou au-delà des étoiles…

Ça vient de paraître

Au-delà du gouffre

Le dernier Bifrost

Bifrost n° 120
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