Jack Glass
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Après Gradisil, Jack Glass est le deuxième roman de Adam Roberts traduit en français (1), un livre qui fusionne le polar et la SF dans lequel nous sont proposées trois énigmes policières. La première est une histoire carcérale qui apparaît comme clairement séparée de la suite. Vient ensuite une énigme des plus classique. Et pour finir un meurtre en chambre close. L’auteur nous livre d’emblée le meurtrier pour chacune des trois affaires : le sinistre Jack Glass.
Si les formes sont celles du policier, tant les mobiles que les moyens et le contexte relèvent de la plus pure science-fiction. Dans la première partie intitulée « Dans la boîte », Jack Glass nous apparaît sous son jour le plus sombre et justi-fie son nom. S’il faut une bonne dose de « suspension de l’incrédulité » pour avaler la solution proposée, la surprise est bel et bien au rendez-vous. La deuxième partie, beaucoup plus « capillotractée », surprend surtout par la simplicité de sa solution proposée. Titrée « Les meurtres supraluminiques », elle permet toutefois de découvrir l’un des aspects les plus intéressants du livre : la société placée en toile de fond derrière ces énigmes à la Columbo où l’on sait qui et où ne manque que le comment et le pourquoi. L’Humanité a conquis tout le Système Solaire où elle croît à défaut de prospérer… A la suite de guerres s’est instaurée une société pyramidale dominée par les Oulanov, en dessous desquels viennent les cinq familles MOHnales régissant les principaux secteurs d’activité ; puis viennent les gongsi, toutes entreprises, organisations, corporations en générale monopolistiques de taille suffisante sous lesquelles on trouve des polices, milices, sectes, mafias se livrant principalement au maintien de l’ordre. Et enfin la plèbe (le prolétariat). En dessous, existe une sous-plèbe innombrable, hors du système social proprement dit, qui se compte par billions, subsiste dans la plus absolue misère et dont il est fait très peu de cas de la vie. Une organisation socio-économique vers laquelle semblent tendre les sociétés contemporaines, où la classe possédante est séparée des hordes de miséreux par une classe de policiers et de techniciens. Ce système n’en est pas moins le théâtre de luttes acharnées pour le pouvoir, surtout quand la rumeur fait état d’une technologie qui, si elle existait, pourrait bien remettre les pendules à l’heure, si ce n’est à zéro… La dernière partie, « L’arme impossible », ne surprendra qu’à moitié l’amateur de SF, d’autant que tous les éléments sont à sa disposition pour entrevoir une solution qui m’a semblée peu élégante…
Au final, l’aspect le plus décevant de l’ouvrage est peut-être bien que Jack Glass ne se révèle pas le parfait salaud que l’on était en droit d’attendre. On n’a pas ici l’équivalent SF des romans que Frédéric Dard signait Kaput, et c’est bien dommage.
Reste que si Jack Glass n’est pas parfait, il n’en est pas moins méritoire. Adam Roberts parvient à nous maintenir en haleine tout au long des cinq cents pages du récit, et l’on se pique volontiers au jeu proposé, à ce mariage somme toute pour le meilleur entre la SF et le policier. Certes, Jack Glass n’atteint sans doute pas le niveau de La Captive du temps perdu de Vernor Vinge, mais on aurait bien tort de bouder son plaisir.